LA JEUNESSE EN MOUVEMENT
Neda (1), 23 ans, enchaîne les “tricks” dans un skatepark de Tabriz (nord du pays). Diplômée en ingénierie industrielle, elle rêve de devenir skateuse pro. À Kerman, Kimia (2), 16 ans, rêve elle aussi d’embrasser une carrière professionnelle.
À TABRIZ, AU NORD-OUEST DE L’IRAN, le lieu de rendez- vous est le parc Shams- e Tabrîzî. Neda, 23 ans, s’y entraîne plusieurs fois par semaine. Cette diplômée en ingénierie industrielle rêve de devenir skateuse professionnelle. « Dans la r ue, l e s passants me r e g a r dent comme une étrange créature. Il faut être courageuse ici quand on est la seule fille à faire du skate. » Dans le parc de Tabriz, la session de skate bat son plein. Soudain, à l’entrée du parc, une voiture de police vient de s’arrêter, gyrophare clignotant. Le policier au volant fixe la jeune femme avec insistance. En une fraction de secondes, elle se met à l’écart des garçons, s’assoit cent mètres plus loin. « C’est une loi en Iran, les filles ne doivent pas traîner avec les garçons », explique Neda.
DANS UN PAYS TOUJOURS RÉGI PAR DES RÈGLES STRICTES, ces jeunes femmes pleines de ressources tentent de s’écarter du sillon que leur assigne la société iranienne et de faire bouger les lignes. Traçant leurs propres trajectoires et multipliant les tricks les plus audacieux, elles sont plus motivées que j amais pour conquérir l eur indépendance. Dès le XIXe siècle, certaines femmes persanes expriment leur aspiration à plus d’égalité. Elles contestent notamment le port du tchador, symbole de leur soumission au patriarcat, qui leur est imposé depuis la dynastie Kadjar (1786-1925). Depuis, leurs droits n’ont cessé d’évoluer au gré des différents régimes politiques. 1936. Dans le cadre de sa politique de modernisation du pays, Reza Shah Pahlavi interdit le port du voile. 1962-1963. Suite à la « révolution blanche », les femmes obtiennent les droits d’éligibilité, de vote, de divorce et l’accès à tous les corps de métiers. 1979. L’ayatollah Khomeyni rétablit une législation archaïque : port obligatoire du tchador, retour de l’âge légal du mariage à 13 ans, pleins pouvoirs aux hommes. Unique mais crucial héritage des régimes précédents : l’accès des femmes à l’éducation. 1987. La création du Conseil culturel et social des femmes leur permet de disposer d’une tribune politique. Leurs droits continuent de progresser durant les années 1990 jusqu’à l’arrivée au pouvoir des ultraconservateurs en 2005. 2013. Le nouveau président modéré Hassan Rohani appuie la nomination de Massoumeh Ektabar comme vice-présidente de la République islamique, une première. 2016. 17 femmes font leur entrée au Parlement. La lutte est cependant loin d’être terminée : les élections de 2017 pourraient à nouveau changer la donne…