Madame Figaro

MARTIN SCORSESE Un silence éloquent

- PAR MARILYNE LETERTRE

Avec« Silence », le cinéaste américain signe ce qu’il considère comme son film le plus personnel à ce jour. Andrew Garfield et Adam Driver y enfilent la soutane de jésuites envoyés dans le Japon du XVIIe siècle pour retrouver leur mentor et prêcher clandestin­ement la bonne parole aux chrétiens alors persécutés

par le pouvoir nippon. L’occasion pour le réalisateu­r de « la Dernière Tentation du Christ » d’éprouver sa foi en Dieu et en l’homme, thème récurrent d’une filmograph­ie qu’il étoffe avec brio dans ce récit d’époque et d’actualité, aussi violent que mystique.

« Madame Figaro ». – Martin Scorsese, quel est votre rapport à la religion ? Martin Scorsese. – Elle a toujours fait partie de ma vie. Je l’ai embrassée et rejetée, j’ai essayé d’autres chemins, je suis arrivé à des impasses. Aujourd’hui, je la pratique au cinéma ! J’aime les messes, le réconfort et la beauté des rituels, mais ils impliquent parfois d’être intégrés à un groupe dont on ne partage pas les idées. Ce qui m’intéresse vraiment, ce sont les fondamenta­ux de la religion – le respect, la tolérance, la compassion, l’altruisme – et la façon dont on les applique dans la vie.

Pensez-vous qu’un athée puisse aimer « Silence » ? Absolument, mais il lui faudra dépasser le fait que la religion est en apparence au premier plan. Le film parle pourtant moins de cela que de l’être humain. Il se place certes d’un point de vue chrétien, car c’est ce que je comprends le mieux, mais il soulève des questions universell­es qui ont de la valeur pour qui n’est pas croyant.

Comment avez-vous géré les scènes de torture ?

J’ai essayé de ne pas faire de la violence la catharsis du récit, comme ce qu’était la scène de combat dans « Raging Bull », par exemple. Je voulais être précis mais ne pas en montrer plus que nécessaire (…). La cruauté des Japonais dans le film est d’ailleurs une réponse à l’arrogance tout aussi violente des Occidentau­x, qui voulaient leur imposer leur vérité et nier ainsi tout ce qu’ils étaient, dans leur âme et leur culture.

Dans le contexte actuel, votre film est-il plus lourd de sens ? Malheureus­ement, oui. C’est d’ailleurs étrange, car le projet a mis vingt ans à se faire. Mais j’espère que « Silence » permet de réfléchir à nos conviction­s, aux valeurs qu’elles représente­nt et à ce à quoi nous devons consacrer notre énergie.

Silence,

 ??  ??
 ??  ?? Adam Driver et Andrew Garfield dans “Silence”.
Adam Driver et Andrew Garfield dans “Silence”.

Newspapers in French

Newspapers from France