Madame Figaro

BEAUTÉ INTÉRIEURE

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Alors même que j’assemble des couleurs, des objets, des tapisserie­s, que je meuble l’espace tantôt par le vide, tantôt par le plein, que je joue aussi bien sur les matières que sur les matériaux, sans en avoir totalement conscience, je bâtis un château intérieur qui me révèle à moimême : avec l’espace que l’on habite, on ne peut pas tricher. Décorer (ou pas) une maison n’est jamais un acte banal, insignifia­nt, que l’on ferait juste pour passer le temps, dans une sorte de vacuité aléatoire. Habiter un lieu, c’est lui donner une âme – son âme. C’est parler de soi et se raconter quand chaque objet a sa propre histoire en résonance avec la nôtre ; c’est entretenir un dialogue avec soi-même ; c’est se projeter, s’inventer, s’idéaliser, se réaliser sur les murs, dans la pierre ; c’est s’écrire à tous les temps qui passent, du printemps jusqu’à l’automne, et muer comme on change de tapis, de vaisselle, de fleurs. C’est se conjuguer dans l’unique, se sentir bien parce qu’on se sent soi chez soi. Ce sont des objets qui prennent corps dans le décor parce que ce sont aussi « des-corps » en résonance… avec lesquels nous finissons par être profondéme­nt d’accord. Il n’y a donc jamais de fausse note dans la décoration de notre intérieur. Et c’est peut-être bien cela, l’envers du décor : ce que l’on recompose au sein de notre habitacle, ce n’est ni plus ni moins que de « l’authentici­té ». On pourrait aller jusqu’à penser, in fine, que c’est l’habitacle qui nous raconte, produisant une part ignorée de nous-mêmes. Mais plus encore : le décor se fait miroir de notre sincérité. Ainsi, l’extérieur recompose l’intérieur, véritable identité créative à jamais inachevée – tout comme peut l’être la connaissan­ce de soi –, car on ne « décore » par son intérieur : on le vit.

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