Madame Figaro

IL ÉTAIT UNE FOIS Joël Pommerat

- PAR LAETITIA CÉNAC

Poète réfractair­e et dégaine d’anachorète, Joël Pommerat est un auteur-metteur en scène libre et fécond. Son théâtre, à la lisière du politique et du social, s’écrit autant avec l’ombre qu’avec la lumière, avec les images et les sons qu’avec les mots. Reprise et nouvelle version opératique de ses contes pour enfants *. Une trilogie à ne pas manquer.

« Madame Figaro ». – « Le Petit Chaperon rouge » est le premier conte que vous ayez réinterpré­té (2004). Pourquoi cette réécriture ?

Joël Pommerat.– Ma première impulsion a été d’intéresser une de mes filles, Agathe, alors âgée de 7 ans, à mon travail. Je voulais qu’elle prenne conscience de ce que je faisais quand elle ne me voyait pas. Ensuite ?

On est tous relié en permanence à son enfance. Quand on cherche à créer de la fiction, les contes sont une première réponse. Ce sont des mythes ancestraux. Ils sont porteurs d’une histoire fondamenta­le. Ici, il est question de la relation à la mère, du besoin d’émancipati­on. Dans ce spectacle, je voulais travailler sur l’angoisse enfantine. Le loup incarne cette peur profonde.

En 2011, vous réinventez une Cendrillon anorexique…

C’est un jeu entre la fidélité et la trahison. Dans « Cendrillon » (photo), j’ai compris l’importance du deuil de la mère. C’est le premier événement qui conditionn­e toute l’histoire. La contradict­ion entre le désir de vivre et celui de garder le souvenir, la culpabilit­é qui en ressort. Faire un deuil est la chose la plus complexe au monde. Et surtout quand on est un enfant.

Aujourd’hui, vous transforme­z votre pièce « Pinocchio » (2008) en opéra…

C’est un plaisir égoïste ! Une oeuvre qu’on a produite à un moment donné prend une autre vie, une seconde vie grâce à la musique. Philippe Boesmans est un grand compositeu­r. Nous avions déjà travaillé ensemble pour l’opéra tiré de ma pièce « Au monde »…

Est-ce qu’écrire des spectacles pour enfants vous a enseigné quelque chose ?

Oui, une recherche de simplicité dans l’écriture, dans la forme théâtrale. Mais cela ne veut pas dire édulcorer. La significat­ion peut être riche.

Vous revendique­z l’ambiguïté… N’oublions pas le nom de votre compagnie, Louis Brouillard…

Oui, c’est le point de départ en 1990. Se situer non pas dans une expression simplifica­trice de la réalité transparen­te, claire. Mais dans quelque chose de plus obscur, de plus complexe. La réalité n’est pas manichéenn­e.

* Le Petit Chaperon rouge, du 2 au 20 mai, à Paris. www.bouffesdun­ord.com ; Cendrillon, du 25 mai au 6 août, à Paris. www.portestmar­tin.com ; Pinocchio, du 3 au 16 juillet, à Aix-en-Provence. festival-aix.com

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