Madame Figaro

FRANÇOIS DEMACHY

PARFUMEUR– CRÉATEUR DIOR

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Après une première vie chez Chanel, cet enfant de

Grasse, amoureux des arts et des belles matières, est depuis 2006 le directeur du développem­ent olfactif chez LVMH, mais consacre 80 % de son temps à Dior. Pour le lancement de son dernier opus, J’adore in Joy, la cinquième variation de la star maison, il s’est confié tout simplement. Pourquoi êtes-vous devenu parfumeur ?

Mon père, pharmacien, voulait que je fasse une profession médicale, mais comme j’ai raté mes études et que nous vivions à Grasse, j’ai voulu me débrouille­r seul. Je me suis fait embaucher dans une usine de parfums, et j’ai adoré. Faut-il un don au départ ?

Non. Certains ont une acuité olfactive plus développée, mais ça ne fait pas d’eux de bons parfumeurs pour autant. Le sens olfactif se travaille, se développe et s’entretient. Chaque jour, je sens dix touches à l’aveugle pour exercer mon nez et ma mémoire. Il faut une sensibilit­é artistique mais aussi énormément de travail.

Les créateurs qui vous ont inspiré, vos modèles ?

Notre maître à tous, c’est Edmond Roudnitska (Femme de Rochas, Diorella et Eau Sauvage de Dior, l’Eau d’Hermès...), mais j’ai appris mon métier auprès de Jean Cavallier, le père de Jacques, et de Maurice Gilli.

Votre première émotion olfactive ?

Les parfums de ma mère. Miss Dior le jour et le N° 5 pour sortir. Un signe du destin.

Le premier parfum que vous avez signé ?

Diva d’Ungaro.

Lequel portez-vous ?

La Cologne Royale de la Collection Dior, dont j’ai enlevé les muscs.

Les qualités essentiell­es pour créer un parfum ?

La curiosité, le sens de l’écoute et la rigueur. Ce métier est un subtil équilibre entre imaginaire et analyse. Et le doute. C’est lui qui fait avancer. Comment définir votre style ?

Celui de Dior, les fleurs et un foisonneme­nt, une richesse. Votre matière première préférée ?

Le patchouli, l’ambre… C’est peut-être ça le style, qui sait ? Celle qui vous inspire le moins ?

J’ai du mal avec le cumin. Roudnitska a fait des choses merveilleu­ses avec. Moi, je n’y arrive pas.

Comment travaillez-vous ? Des rituels ?

Des sources d’inspiratio­n ?

Tout m’inspire. La cuisine, pas mal. Récemment, j’ai eu une idée en goûtant un plat délicieux associant citron, basilic et menthe crépue. On ne possède jamais les odeurs.

Dès qu’on croit savoir, c’est foutu. Même le jasmin qu’on pense connaître réserve sans cesse des surprises. C’est quoi un bon parfum ?

Un parfum qui sent bon et suscite une émotion. Comment voyez-vous l’univers du parfum actuel ?

Les gourmands régressifs tiennent encore le marché. L’embêtant avec une tendance, c’est qu’elle date une fragrance. Je pense que, comme en peinture, on va vers des jus plus figuratifs, plus épurés, ce qui n’est pas moins compliqué à faire, bien au contraire.

Les femmes et les hommes créent-ils différemme­nt ? Oui, je crois. Elles ont un odorat plus performant, ont plus d’acuité. Peut-être à cause des hormones. Elles sont aussi plus hardies. Elles osent plus, s’expriment de façon plus imagée. L’idéal est d’avoir des hommes et des femmes dans une équipe.

Votre meilleur souvenir profession­nel ?

Je suis heureux à chaque fois que je croise une femme dans la rue qui porte un jus de ma création.

Un secret à nous révéler ?

Pour que votre parfum tienne et se déploie mieux, il faut le porter sur une phase grasse, une crème ou une huile.

La cuisine m’inspire pas mal

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