ÉDITO/« L’audace, ce chic français », par Alex Lutz.
CC’est un symbole, soudain, dimanche 7 mai un peu après 22 heures, esplanade du Louvre. Il a mon âge. On a dû regarder les mêmes dessins animés en pyjama. On a dû lui dire comme à moi : « Finis ton assiette, en Éthiopie ils n’en ont pas, de la blanquette. » Il a dû, à l’école, avoir des ateliers « métiers de demain, chômage d’aujourd’hui ». Il a entendu très tôt : « Bouge-toi, ce sera plus dur pour toi que pour nous à l’époque. » Il a su dans son corps qu’il y eut un temps avant lui sans capotes. Il les a connues à 1 franc. Il a hurlé dans des manifs de lycéens déjà désillusionnés : « Première, deuxième, troisième génération ! Nous sommes tous des enfants d’immigrés ! » Il a cru possible qu’après le mur tombé de Berlin le monde ne serait qu’un seul grand pays en paix. Il a compris, avec des tours qui s’effondraient à l’heure du « Morning Live », que ce ne serait pas le cas, mais que cela pouvait s’inventer. Avec du temps. Je le vois marcher seul. Et je serais d’un cynisme achevé si j’affirmais ne pas en être ému. Je trouve son discours à la hauteur de la fonction. J’espère qu’il sera plus qu’un symbole, mais en attendant j’avoue en avoir besoin. Je vois qu’il est rejoint par ses proches, qu’il aime. Je ne doute pas une seconde de cet amour – sincère, j’en suis sûr, avec ce baisemain de Brigitte à son homme (ils sont définitivement très modernes). Je vois cette famille nouvelle, tordue, bizarre. Une tribu. Des enfants qui sont en fait des petits-enfants. Une femme soutien, belle et brillante. Plus âgée. Oui, plus âgée… Et ?… Finalement en parler serait la première goujaterie.
Ce que je vois là aussi, à travers cette famille moderne, « pas comme il faut », c’est surtout l’essence de la France, des Français dans ce qu’ils ont de meilleur. Et qui s’est exprimée dans les urnes. Quand leur indiscipline et leurs retournements soudains forcent l’admiration partout. L’audace. C’est avec elle qu’on a fait des merveilles, de Coco et ses robes débarrassées de froufrous à Aimé Jacquet en 1998. Cette manière unique pleine de panache et de « chic français » qu’on a de dire sans mauvaise gouaille : « Pardon, mais nous, on ne va pas faire tout à fait comme tout le monde. Ça nous ennuie, “comme tout le monde”, merci ! » Bon vent, surtout. Soyez encore plus qu’un symbole.