Madame Figaro

/Métropolit­ain, par Marc Lambron.

- par Marc Lambron ILLUSTRATI­ON STÉPHANE MANEL

Une fois n’est pas coutume, nous allons faire ici un peu de critique littéraire. Quoi de plus prestigieu­x que de chroniquer la dernière oeuvre d’un Prix Nobel de littératur­e, surtout si c’est le plus récemment couronné. Il s’agit donc de Bob Dylan, qui était de passage à Paris. Il n’est pas apparu dans une grande librairie comme La Hune ou L’Écume des Pages, mais a préféré un nouveau lieu, La Seine Musicale, un atrium édifié sur l’île Seguin, sorte de Zénith bulbaire occupant le tiers des anciens ateliers insulaires de la régie Renault. Ses admirateur­s l’attendaien­t, au nombre desquels Hugues Aufray et Laure Adler, Gérard Jugnot et Fabienne Pascaud, qui côtoyaient Patrick Devedjian et des caciques du départemen­t. Le titre de l’oeuvre était « Bob Dylan and His Band ! ». L’opus est présenté dans un format oblong, quadrillé par cinq musiciens, l’auteur se tenant un peu dans la marge. La marge, c’est là que les professeur­s aiment à annoter un texte. Plutôt que d’utiliser une plume, Dylan tapait sur un clavier. Ce sont deux écoles. Musset écrivait à la plume, Hemingway préférait le clavier.

L’opus qu’il nous a présenté comportait vingt et un chapitres. Le premier était intitulé « Things Have Changed », le dernier « Ballad of a Thin Man », avec au milieu des titres tels que « Desolation Row » ou « Blowin’ in the Wind ». Malheureus­ement, la traduction française n’est pas disponible, ce qui favorisait les lettrés rompus à la langue anglaise. La présence de l’auteur ajoutait au prestige de son oeuvre. Un Prix Nobel de littératur­e a souvent une gueule. Le lauréat Bob Dylan, aujourd’hui âgé de 75 ans, affichait pour ses admirateur­s l’air mauvais d’une vieille teigne rusée, coiffé d’un Stetson circulaire qui lui donnait du style. Peut-être cultive-t-il un art du sombrero susceptibl­e de le rapprocher des couronnés d’extraction latino-américaine, d’un Neruda ou d’un García Márquez. C’est une hypothèse. Stylistiqu­ement, on a reconnu la manière du dernier Prix Nobel de littératur­e. Ses attaques abruptes, ses longues phrases oppressées, les raucités d’un lexique qui évoque les grands espaces américains et les errances des clochards célestes. Il aime incorporer dans sa trame textuelle des citations de grands anciens, tels Frank Sinatra ou le Français Yves Montand (« Autumn Leaves », « les Feuilles mortes »), lequel Montand connut de près un candidat malheureux au Nobel de littératur­e, Arthur Miller, et surtout sa femme. Cela oblige au respect de la lettre. Certains auteurs ajoutent par surcroît un épilogue à leurs livres. Mais avec Bob Dylan il n’y a eu qu’un rappel.

 ??  ?? Bob Dylan
Bob Dylan

Newspapers in French

Newspapers from France