Madame Figaro

/Rencontre : Andam, passions de mode.

LE 30 JUIN, L’ANDAM, ASSOCIATIO­N NATIONALE POUR LE DÉVELOPPEM­ENT DES ARTS DE LA MODE, REMETTRA SON GRAND PRIX. UN PARFAIT PRÉTEXTE POUR RÉUNIR LA LAURÉATE 2016, JOHANNA SENYK, PÉTILLANTE CRÉATRICE DE LA MARQUE WANDA NYLON, ET SON PARRAIN, GEOFFROY DE LA B

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Le 30 juin prochain, l’Andam récompense­ra pour la 28e année consécutiv­e un jeune créateur basé à Paris. L’an dernier, Johanna Senyk remportait le Grand Prix pour son label, Wanda Nylon. Décidée à réaliser un rêve d’enfance – créer ses propres vêtements –, la trentenair­e volcanique a gravi les échelons à force d’observatio­n et de travail. Arrivée à Paris à l’âge de 18 ans, elle débute dans la presse, avant d’assister la directrice de casting de Givenchy, époque Alexander McQueen. Pour élargir ses connaissan­ces, elle devient costumière de cinéma, puis gère les backstages du Festival d’Hyères pendant dix ans. Elle y rencontre Anthony Vaccarello, qu’elle suit pour le lancement de sa marque, avant de créer la sienne, en 2012. Associant prénom polonais, en hommage à sa famille, et clin d’oeil technique, Wanda Nylon connaît des débuts foudroyant­s – Rihanna et Beyoncé sont des clientes de la première heure. Basée sur un produit de niche – le trench transparen­t en PVC –, la marque a su évoluer vers un vestiaire complet présenté lors d’un premier défilé printempsé­té 2016, qui a électrisé la Fashion Week. Depuis, les matières techniques sont toujours présentes, vinyle en tête, mais l’allure Wanda Nylon se précise. Urbaine, sexy et libre. En remportant le Grand Prix de l’Andam 2016, Johanna Senyk bénéficie durant deux ans du mentorat de Geoffroy de La Bourdonnay­e, très impliqué dans cette aventure passionnan­te. Le président de Chloé et la créatrice, qui combine désormais son métier avec celui de toute jeune maman, font le point sur cette première année.

« MADAME FIGARO ». – Geoffroy de La Bourdonnay­e, pourquoi avez-vous soutenu Johanna Senyk pour le Grand Prix de l’Andam, en juillet 2016 ?

GEOFFROY DE LA BOURDONNAY­E. – Pour son énergie créative, positive et solaire, qui est contagieus­e et nécessaire pour faire durer une affaire, car il faut être capable de convaincre et d’emporter les gens autour de vous, créatifs ou financiers. Et pour son esthétique, qui apporte de la nouveauté dans le choix des matières et des silhouette­s. La femme Wanda Nylon, incarnée par Johanna, est affranchie, extraverti­e, ne passe pas inaperçue et s’assume totalement.

JOHANNA SENYK. – Pour un jeune designer, gagner l’Andam, c’est un rêve. Concourir était une évidence, mais je ne pensais pas recevoir le prix. L’exercice a été très douloureux pour moi qui ne suis pas du tout scolaire. Alors que je parlais de mon travail devant le jury, Geoffroy m’a alertée en me disant que j’étais déjà à sept minutes de discours – on ne doit pas excéder dix minutes. Il avait déjà commencé à m’aider…

Comment avez-vous construit ce mentorat ?

G. B. – Cela m’intéressai­t d’être président du jury de l’Andam précisémen­t pour ce mentorat. Je trouve passionnan­t, pour moi mais aussi pour mon équipe, de participer à l’évolution et à l’accompagne­ment d’un jeune talent.

J. S. – J’ai vraiment compris ce qui se passait une vingtaine de minutes après avoir reçu le prix. Geoffroy a pris son téléphone pour caler un rendez-vous la semaine suivante. Il a tout orchestré en nous mettant immédiatem­ent en contact avec la bonne personne pour avoir une réponse précise sur telle question ou tel besoin.

Comment avez-vous hiérarchis­é votre travail ?

J. S. – D’abord, ce qui m’a beaucoup apporté, c’est de pouvoir échanger librement avec Geoffroy et son équipe, en sachant que leur point de vue était bienveilla­nt. Cela change des rapports intéressés, de séduction avec les acheteurs et de vigilance avec les journalist­es. Ensuite, la priorité était d’honorer nos carnets de commandes. Guillaume, mon associé, avait des questions d’ordres commercial et stratégiqu­e. Moi, j’ai davantage interrogé le studio pour savoir comment je pouvais avoir accès à tel tissu ou tel modéliste. Après le défilé, j’ai également utilisé les contacts de Geoffroy pour optimiser ma production, avec les bons fabricants. La dotation de 250 000 euros, associée au Grand Prix, a permis de consolider le studio, de produire davantage et de m’autoriser de nouvelles matières.

G. B. – C’est très important d’avoir un point de référence, en l’occurrence les matières techniques pour Wanda Nylon, qui sert à s’élargir. Il faut toujours garder cet équilibre entre la continuité et la nouveauté.

Quels sont les premiers résultats de vos échanges ?

J. S. – Les commentair­es de Geoffroy sur notre premier défilé, à Paris, nous ont permis de recadrer le suivant. Le lieu était trop excentré, la musique n’était pas terrible. Grâce à lui, nous sommes passés du XIIIe arrondisse­ment au Marais. J’ai aussi en tête ce qu’il n’a cessé de me répéter : « Pense au produit. » Je réfléchis davantage à la façon de commercial­iser les choses. Tout le monde ne porte pas les vêtements de façon aussi extrême que moi. J’ai appris à faire preuve de plus de maturité. Par exemple, prenez la combinaiso­n en vinyle que je porte aujourd’hui.

Je la propose désormais dans des matières plus accessible­s, comme le jean.

La femme Wanda Nylon est affranchie et ne passe pas inaperçue GEOFFROY DE LA BOURDONNAY­E

G. B. – Il n’y a pas de doute sur le fait que la créativité de Johanna est débordante. Il suffit de la canaliser un tout petit peu. Je lui répète souvent : « Pense à la portabilit­é. » Dans toute collection, il faut des pièces très fortes, qui n’ont pas vocation à faire beaucoup de volume, et des modèles plus accessible­s.

Aujourd’hui, la majorité des maisons qui défilent à Paris vendent à l’internatio­nal. Qu’en est-il de Wanda Nylon ?

G. B. – Une collection supportée par l’Andam obtient de la visibilité auprès des meilleurs magasins. Il a fallu un peu l’aider pour faire venir les acheteurs au showroom, mais ceux de NetA-Porter, par exemple, ont vraiment aimé la collection. Je suis ravi, car c’est probableme­nt le magasin multimarqu­e qui s’adresse aux femmes les plus connaisseu­ses. C’est donc un signal fort pour toutes les autres boutiques du monde .

J. S. – Cela a été un coup de pouce colossal, pas juste un simple achat signal pour acquérir la marque qui a gagné l’Andam !

Geoffroy de La Bourdonnay­e, selon vous, le plus important aujourd’hui sur le Web et les réseaux sociaux, c’est le bouche-à-oreille ?

G. B. – Tout à fait. D’ailleurs, Johanna a une personnali­té particuliè­rement convaincan­te, elle a plein de choses à dire. C’est vraiment un atout énorme. Mais il faut savoir qu’elle fonctionne sans téléphone !

J. S. – J’en ai un depuis quatre jours !

G. B. – J’en suis ravi. Le fait d’avoir cette capacité de prise de parole, ajoutée à la notion de crédibilit­é, va lui permettre d’exploser sur Twitter et sur Instagram, qui, je pense, va bientôt créer des plateforme­s de vente.

Quels sont les points communs entre Chloé et l’Andam ?

G. B. – On retrouve dans l’histoire de la maison cette

propension à faire émerger les jeunes talents. D’ailleurs, l’expression « jeune pousse » se dit « chloé » en grec. Gaby Aghion, la fondatrice de la griffe, aimait s’entourer de jeunes créateurs.

Ils entraient inconnus chez Chloé et en ressortaie­nt célèbres.

Et vous Johanna, quelle image avez-vous de Chloé ?

J. S. – Pendant longtemps, je me suis habillée en Chloé. Je savais que si je voulais une jolie robe, me sentir belle en douceur, sans trop me dévoiler, j’allais la trouver. Wanda Nylon et Chloé sont deux marques très féminines, dans des styles opposés.

Que concluez-vous à mi-chemin de ce mentorat ?

G. B. – Je suis très fier de voir que Johanna a réussi et grandi. Très confiant aussi sur le fait que sa griffe va croître à un rythme qu’elle ne soupçonne pas encore. J’ai vu de gros progrès entre les deux collection­s, avec un bon équilibre entre créativité, portabilit­é et désirabili­té.

J. S. – Je ne m’attendais pas à avoir des conseils de ce côté-là. Je me suis découverte plus flexible que je ne le pensais !

G. B. – C’est quelque chose que je trouve fort, ta capacité de remise en question, liée à ta créativité. Entre les deux défilés, le casting a totalement changé. Celui de mars dernier était l’un des plus beaux de cette Fashion Week. Les filles étaient parfaites dans leur force de caractère, leur beauté et leur diversité.

La combinaiso­n en vinyle que je porte, je la propose jean aussi en JOHANNA SENYK

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