ÉDITO/« Faites-le lire ! », par Vincent Monadé.

Enquête après le constat, sans appel, ne varie pas. Les hommes ne lisent pas assez ! Vous-même, avouez-le : si vous ne considérez pas

« l’Équipe » ou « l’Argus de l’automobile » comme des livres, l’homme de votre vie ne bouquine guère.

Il a d’autres qualités. Il connaît l’usage du torchon, qu’il ne confond pas avec le nouveau motif d’un carré Hermès, il est gentil, drôle, prévenant et il vous aime.

Après tout, un homme qui, à 50 ans, n’a pas ouvert un livre n’a pas raté sa vie. Seulement, les livres font la vie plus grande, plus large, ils couvrent d’embruns nos quotidiens, nettoient nos peines, nous accompagnent pour quelques heures ou pour toujours, amis fidèles. Et cela, vous rêvez de le partager avec lui. Alors faites-le lire ! Il n’existe pas de non-lecteurs, juste des gens qui n’ont pas rencontré les livres et ceux qui les font aimer. Ne sanctifiez pas la lecture, ce n’est ni une cathédrale ni un devoir. Partez de ses goûts. Aime-t-il le foot ? Offrez-lui « Carton

jaune », de Nick Hornby. La musique classique ? « Ravel », de Jean Echenoz. Flânez avec lui dans les librairies, discutez avec les libraires. Ce sont des orpailleurs : ils sauront trouver la pépite qui le poussera à lire jusque tard dans la nuit. Il aura peur des gros pavés, cherchez des romans courts. Dans les dîners, mettez-le en avant, qu’il parle des livres qu’il a aimés, qu’il prenne confiance. Enfin, ne l’oubliez pas, la BD, le polar, la science-fiction donnent naissance à des oeuvres majeures et, s’il aime en lire, encouragez-le. Vous connaissez les hommes, mieux que moi : amoureux, ils ne vivent que pour votre regard ; le reste, c’est de l’esbroufe. Un homme qui ne lit pas, Mesdames, est un homme que vous n’avez pas encore rendu lecteur ! Car c’est cela, faire lire, et pas grand-chose d’autre : un acte d’amour.