Madame Figaro

Cover story : Jenaye Noah.

À 19 ans, la fille de Yannick Noah marche sur les traces de sa mère, la mannequin anglais Heather StewartWhy­te. Devant l’objectif de Jean-Baptiste Mondino, elle joue le jeu avec applicatio­n. Portrait d’une graine de top bien dans ses baskets, qui fait une

- PAR ISABELLE GIRARD / PHOTOS JEAN-BAPTISTE MONDINO / RÉALISATIO­N BARBARA BAUMEL

C’EST UNE BRINDILLE d’un mètre quatre-vingts qui tangue comme un roseau sur ses sandales à hautes plateforme­s. C’est un visage de tanagra avec une tête d’oiseau ébouriffé qui sort à peine du nid. « Surtout aujourd’hui, avec ces dreadlocks qui me font ressembler à Jimi Hendrix, Tina Turner ou Bob Marley ! » s’exclame la top-modèle Jenaye Noah, 19 ans, tout en admirant sa tignasse sous le regard approbateu­r du grand photograph­e de mode Jean-Baptiste Mondino. « Elle est arrivée avec ses longs cheveux lisses de madone, explique Mondino. J’ai voulu transforme­r ce diamant brut en sauvageonn­e. »

JENAYE EST UNE BEAUTÉ D’UNE PERFECTION vaguement sacrilège, au charme primesauti­er qui cambriole l’attention. À 16 ans, elle est repérée à Londres alors qu’elle assiste au concert du rappeur Snoop Dogg. « J’étais avec un copain, un grand blond athlétique, qu’un chasseur de talents a abordé pour lui demander s’il souhaitait se lancer dans le mannequina­t. J’étais vexée. Pourquoi ne me demandait-il rien, à moi ? Et puis, comme s’il avait lu dans mes pensées, il a fait marche arrière, et c’est là qu’il m’a demandé : “Mais vous, au fait, êtes-vous dans une agence ?” » Ni une ni deux, Jenaye se retrouve du jour au lendemain chez Elite et fait ainsi son entrée fracassant­e dans le monde de la mode aux côtés des grandes du métier – Adriana Lima, Cara Delevingne, Kendall Jenner. Son premier défilé et son premier triomphe lui seront offerts, en octobre dernier, par Azzedine Alaïa.

JENAYE EST UN MELTING-POT À ELLE TOUTE SEULE. Des origines anglaise, danoise, française, camerounai­se. Elle possède l’infinie délicatess­e des traits de sa mère, la top anglaise Heather StewartWhy­te, et la puissance athlétique de son père, Yannick Noah. Mon père, ce héros ? « Oui. Ce héros. Je sais que mon père est un grand. C’est le chef de famille. C’est lui qui sait réunir la tribu éparpillée dans le monde entier, qui exige que l’on se parle régulièrem­ent entre frères, soeurs, demi-frères, demi-soeurs. C’est lui qui organise les vacances et souhaite la présence de tout le monde. » La famille recomposée, chez les Noah, semble une figure de style qui ne pose aucun problème. « Nous sommes très nombreux et on s’adore », conclut Jenaye. Ce père rassembleu­r est aussi celui qui a réussi l’exploit de gagner la finale de Roland-Garros en 1983, contre le Suédois Mats Wilander. Jenaye regarde souvent la vidéo de ce match historique.

CELA LUI DONNE DES AILES sans pour autant avoir suscité, chez elle, la passion de la terre battue. « Jeune, je voulais être basketteus­e. » Un rêve rapidement balayé par l’attrait du mannequina­t. Elle se souvient que, petite, le métier l’attirait déjà quand elle voyait sa mère rentrer des shootings. « Elle avait toujours de belles robes. Je mettais ses chaussures, son rouge à lèvres, et je prenais des poses. Maman me disait de ne pas faire ma lolita mais de rester une petite fille. » Ses parents ne l’ont jamais influencée. « Ils m’ont encouragée, précise-t-elle, m’apprenant la rigueur tout en m’incitant à prendre mes responsabi­lités. La seule chose que mon père m’ait jamais dite, c’est de faire ce que je voulais, mais de m’investir à cent pour cent. » Message reçu cinq sur cinq. Jenaye ne laisse rien passer.

« NOUS, MANNEQUINS, SAVONS QUE LA CARRIÈRE EST COURTE, qu’il faut grandir vite, que le travail est exigeant, demande des sacrifices, et que ce serait dommage de gâcher notre chance en manquant de sérieux. » Jenaye mène une vie d’athlète – elle fait de la boxe, de la musculatio­n, du jogging – et une vie d’ascète. « Non seulement je ne suis pas d’un naturel “skinny”, mais en plus je suis très gourmande. Alors, en période de défilés, je passe au régime chinois. Salade verte, framboises, chèvre, pommes, citron, avocats et crevettes… » Elle enchaîne. « Pour réussir une vie de mannequin, qui est une vie de nomade, il faut être très structurée et discipliné­e. Je suis encore jeune et j’ai besoin de ma famille. Lorsque je suis à Paris, je loue un appartemen­t près de chez mon père, dans le XVIIe arrondisse­ment. J’ai toujours besoin de le savoir à côté de moi. » Jenaye est plutôt solitaire. Elle aime la mode, et comme papa, elle adore le rap américain. Le matin, à peine réveillée, elle met la musique à fond – 6LACK, Kendrick Lamar... « Ça booste, ça me donne envie d’aller affronter la vie extérieure. » Si Jenaye s’écoutait, elle pourrait rester des journées entières chez elle, à peindre – une autre passion – et à regarder des séries sur Netflix. Elle aime les histoires de zombies. « Peut-être parce que j’attends que quelque chose de radical arrive, dit-elle en riant, qu’un Alien débarque et apporte un nouveau monde ! »

Newspapers in French

Newspapers from France