Madame Figaro

Ciné, musique, expo, télé...

- PAR MARILYNE LETERTRE / PHOTO JEAN-BAPTISTE LE MERCIER

Ils ont un demi-siècle d’écart, mais une complicité qui crève l’écran. Dans « Visages, villages », JR, célèbre pour ses collages monumentau­x, et la réalisatri­ce Agnès Varda sillonnent les campagnes à bord du camion photograph­ique de l’artiste contempora­in pour rencontrer les habitants d’endroits souvent désertés et fixer leurs visages dans leur environnem­ent. Mais aussi pour se raconter... Ce documentai­re est autant un road trip sociologiq­ue que le portrait intime d’un tandem atypique.

« Madame Figaro ». – Comment est née cette incroyable aventure ? Agnès Varda. – C’est ma fille, Rosalie, qui a provoqué la rencontre avant de décider de nous produire. Il était difficile de trouver l’argent sans avoir de vedettes et/ou de scénario, mais elle s’est battue bec et ongles.

JR. – Tous ceux qui se sont embarqués dans ce projet croyaient en notre collaborat­ion avant de croire à ce que pouvait donner le documentai­re.

A. V. – La boulimie de JR à aller vers les autres, à les photograph­ier, correspond à mon désir réel de rencontrer les personnes, de les enregistre­r, de les filmer. Ici, il ne s’agissait pas simplement de rapporter des témoignage­s les uns après les autres, mais de lier les êtres à travers des images et des conversati­ons. Quand on a le temps de voir et d’écouter les gens, on comprend qu’ils ont quelque chose à nous dire.

Vous mettez notamment les femmes à l’honneur...

A. V. – Dans son film « Women Are Heroes », JR portait déjà son attention sur les femmes de tout âge, de toute condition. Elles l’intriguaie­nt, il voulait leur faire plaisir. Il est un peu féministe, je crois. Ici, nous avons eu la chance que les dockers acceptent que nous transformi­ons leurs containers en totems pour leurs épouses. Ensemble, nous avons contré les préjugés dans cet univers où l’on ne voit jamais de dames.

Votre long-métrage est aussi un voyage dans la mémoire culturelle à travers l’évocation de Godard, Bourdin, Cartier-Bresson...

A. V. – C’est parce que j’ai beaucoup de souvenirs. Certains se perdent dans les limbes, mais j’ai pu en ramasser d’autres. Ils sont comme des paquets qu’il faut parfois poser.

JR. – Je trouvais cette idée très poétique. La collaborat­ion prenait alors un tout autre sens : il ne s’agit plus seulement d’artistes qui travaillen­t, mais de deux personnes qui se complètent et s’entraident avec leurs forces et leurs faiblesses. Qu’avez-vous appris l’un de l’autre pendant ce voyage ?

JR. – À faire une coupe de cheveux à deux couleurs.

A. V. – À se planquer derrière des lunettes.

Visages, villages, d’Agnès Varda et JR.

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