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Ils ont un demi-siècle d’écart, mais une complicité qui crève l’écran. Dans « Visages, villages », JR, célèbre pour ses collages monumentaux, et la réalisatrice Agnès Varda sillonnent les campagnes à bord du camion photographique de l’artiste contemporain pour rencontrer les habitants d’endroits souvent désertés et fixer leurs visages dans leur environnement. Mais aussi pour se raconter... Ce documentaire est autant un road trip sociologique que le portrait intime d’un tandem atypique.
« Madame Figaro ». – Comment est née cette incroyable aventure ? Agnès Varda. – C’est ma fille, Rosalie, qui a provoqué la rencontre avant de décider de nous produire. Il était difficile de trouver l’argent sans avoir de vedettes et/ou de scénario, mais elle s’est battue bec et ongles.
JR. – Tous ceux qui se sont embarqués dans ce projet croyaient en notre collaboration avant de croire à ce que pouvait donner le documentaire.
A. V. – La boulimie de JR à aller vers les autres, à les photographier, correspond à mon désir réel de rencontrer les personnes, de les enregistrer, de les filmer. Ici, il ne s’agissait pas simplement de rapporter des témoignages les uns après les autres, mais de lier les êtres à travers des images et des conversations. Quand on a le temps de voir et d’écouter les gens, on comprend qu’ils ont quelque chose à nous dire.
Vous mettez notamment les femmes à l’honneur...
A. V. – Dans son film « Women Are Heroes », JR portait déjà son attention sur les femmes de tout âge, de toute condition. Elles l’intriguaient, il voulait leur faire plaisir. Il est un peu féministe, je crois. Ici, nous avons eu la chance que les dockers acceptent que nous transformions leurs containers en totems pour leurs épouses. Ensemble, nous avons contré les préjugés dans cet univers où l’on ne voit jamais de dames.
Votre long-métrage est aussi un voyage dans la mémoire culturelle à travers l’évocation de Godard, Bourdin, Cartier-Bresson...
A. V. – C’est parce que j’ai beaucoup de souvenirs. Certains se perdent dans les limbes, mais j’ai pu en ramasser d’autres. Ils sont comme des paquets qu’il faut parfois poser.
JR. – Je trouvais cette idée très poétique. La collaboration prenait alors un tout autre sens : il ne s’agit plus seulement d’artistes qui travaillent, mais de deux personnes qui se complètent et s’entraident avec leurs forces et leurs faiblesses. Qu’avez-vous appris l’un de l’autre pendant ce voyage ?
JR. – À faire une coupe de cheveux à deux couleurs.
A. V. – À se planquer derrière des lunettes.
Visages, villages, d’Agnès Varda et JR.