Rencontre : Al Gore.
HÉRAUT DE LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, FAROUCHE OPPOSANT À TRUMP, L’EX-VICEPRÉSIDENT DES ÉTATSUNIS POURSUIT SON COMBAT. RENCONTRE AVEC UN HOMME DÉTERMINÉ, AU CENTRE D’UN NOUVEAU DOCUMENTAIRE PRÉSENTÉ AU FESTIVAL DE CANNES.
MI-MAI, À CANNES, l’optimisme était encore de mise dans le discours d’Al Gore, 69 ans, venu présenter « Une suite qui dérange », le nouveau documentaire qui l’accompagne dans son action en faveur de la planète. Deux semaines plus tard, douche froide : Donald Trump annonce le retrait de son pays de l’Accord de Paris, consensus international inédit sur le climat, âprement négocié en 2015 lors de la COP 21 (retrait que concrètement les États-Unis ne peuvent opérer avant 2020). Après avoir riposté sur Twitter, qualifiant la décision d’« imprudente » et « indéfendable », Al Gore, qui fut aussi viceprésident de Bill Clinton, en appelle depuis sur les réseaux sociaux à l’intelligence de ses concitoyens, à leur sens des responsabilités, à leur volonté d’agir.
Retour à Cannes, où Al Gore foula donc le tapis rouge pour la seconde fois. Onze ans après « Une vérité qui dérange », de Davis Guggenheim, un premier doc à deux oscars dans lequel cet ardent défenseur de la planète tirait la sonnette d’alarme, voici le second volet présenté aux festivaliers. « Une suite qui dérange : le temps de l’action » subira quelques ajustements avant sa sortie en salles le 1er novembre, le tournage s’étant achevé avant les dernières déclarations de Trump. Ce long-métrage, réalisé par Bonni Cohen et Jon Shenk, suit à nouveau Al Gore à la trace, pendant deux années, au Groenland, en Inde, en Europe, ou aux États-Unis, dans les coulisses du pouvoir tant politique qu’économique, sur le terrain de catastrophes naturelles, dans ses activités militantes ou dans son intimité. Le Prix Nobel de la paix 2007 est intarissable sur le combat de sa vie. Rencontre à Cannes, autour d’un engagement et de ses mots-clés.
« J’ai grandi dans une ferme, connecté à la terre, mes parents m’ont inculqué l’idée que chacun de nous pouvait essayer de rendre le monde meilleur (NDLR : son père est alors sénateur du Tennessee). Je n’imaginais pas, quand j’étais jeune, que la crise climatique deviendrait ma mission. Et puis, à l’université (NDLR : Harvard), j’ai eu la chance d’entrevoir l’ampleur du désastre à venir grâce à un professeur, qui fut l’un des premiers scientifiques à calculer les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Sept ans après mon diplôme, je suis entré, en 1976, au Congrès pour constater que personne ne se souciait alors du réchauffement climatique. J’ai organisé la première conférence sur la question en pensant naïvement que les autres me suivraient. Je n’ai obtenu que résistance. Je me suis alors demandé comment je pouvais développer la prise de conscience générale. Il y a eu la politique (NDLR : démocrate, il fut notamment vice-président de Bill Clinton de 1993 à 2001, et candidat malheureux à la présidence face à George W. Bush en 2000), puis des conférences dans le monde entier, et enfin deux films, pour sensibiliser plus massivement. »