Madame Figaro

BEAUTÉ/Style : la touche française.

D’où vient ce chic “effortless” célébré dans le monde entier ? Maquillage, soins, rituels… Tour d’horizon des secrets d’éclat qui donnent à la Française ce fameux je-ne-sais-quoi.

- PAR VALENTINE PETRY / PHOTOS GREG CONRAUX / RÉALISATIO­N LISA JOUVIN / MODÈLE LISA LOUIS @ KARIN MODELS

VOILÀ QUELQUES SEMAINES, LA MARQUE AMÉRICAINE ESTÉE LAUDER A EMBAUCHÉ UNE NOUVELLE AMBASSADRI­CE : la maquilleus­e française Violette, désormais Global Beauty Director de la maison fondée en 1946 à New York. Violette coche toutes les cases de la Française raffinée. Elle est mince, élégante et ultra-photogéniq­ue, elle propose sur sa chaîne YouTube une beauté sensuelle, mais jamais trop apprêtée : elle porte peu de fond de teint mais du rouge à lèvres fatal, un eye-liner rétro mais avec une crinière toujours ébouriffée. Elle a suivi des cours à l’École du Louvre, est passionnée de peinture et se sert d’Instagram comme d’un moodboard où elle publie ses inspiratio­ns. Elle tourne ses vidéos dans des cafés cool mais low profile, où l’on pourrait aisément imaginer Anna Karina. Violette est l’ambassadri­ce rêvée de la beauté made in France, à peu de chose près : elle s’est exilée à New York à 19 ans, pour faire carrière, et réside désormais à Brooklyn. Quant à ses vidéos, elles sont en anglais mâtiné d’un délicieux accent qui ajoute ce je-ne-sais-quoi dont les Américains raffolent. La marque Estée Lauder souhaite d’ailleurs qu’elle engage « une nouvelle conversati­on beauté dynamique avec les femmes partout dans le monde et à travers tous les points de contact ». Bref, le mythe, utilisé par l’industrie depuis près d’une décennie, ne semble pas s’essouffler, même si les clichés qu’il véhicule ne se vérifient pas toujours.

LA « FRENCHNESS » A LE VENT EN POUPE

C’est toujours un gage de succès, en particulie­r auprès du public américain, et les marques de mode l’ont bien compris : Clare Vivier et Être Cécile revendique­nt leurs attaches à l’Hexagone à coups de tee-shirts à messages, et le site adoré par les millennial­s, Man Repeller, fait régulièrem­ent appel à une « Française résidente » pour donner des conseils lifestyle allant des relations de couple au choix du vin. Bref, ça ne s’arrête jamais : Yoplait vient de lancer Oui, le yaourt crémeux-mais-

pas-trop à la française, vu sur Instagram, spécialeme­nt à destinatio­n du marché américain. Sur les sites anglais et américains, les guides pour comprendre les pharmacies françaises pullulent ; à tel point que les produits incontourn­ables de la French pharmacy sont désormais trouvables aux États-Unis.

LA FRANÇAISE N’EST PAS (QUE) FRANÇAISE

Pas besoin d’être français d’ailleurs, pour vendre le rêve d’une beauté hexagonale : la marque The French Girl est établie outre-Atlantique. Et Glossier, la nouvelle ligne dont tout le monde parle, lancée par la jeune Américaine Emily Weiss à New York, a des allures européenne­s. « Glossier a tout compris à la beauté à la française : elle s’est approprié ses codes, c’est-à-dire avoir une jolie peau d’abord ; puis mettre un peu de blush, un peu de baume à lèvres, analyse Mathilde Lacombe, cofondatri­ce de Birchbox. Sa marque cartonne auprès des Américaine­s en recyclant ce que les Françaises font depuis des années ! C’est hyper intelligen­t car cela va à l’encontre d’une esthétique plus chargée, que l’on voit beaucoup sur les réseaux sociaux. » Et, faut-il le rappeler ? Les icônes de la beauté made in France ne sont pas toutes françaises : Anna Karina est danoise, Charlotte Rampling et Jane Birkin, anglaises… Installée à Londres depuis cinq ans, la blogueuse et fondatrice du podcast Fashion No Filter, Camille Charrière, cite même aujourd’hui Alexa Chung, « britanniqu­e au style garçonne très français », au même titre que Jeanne Damas et Louise Follain, représenta­ntes contempora­ines du mythe.

ELLE EST UNE PRO DU NATUREL TRAVAILLÉ

« Le mythe marche toujours : c’est un luxe et une chance d’être française dans le monde de la mode, explique Camille Charrière. Pour moi, c’est une fierté, et c’est très agréable. Cela lance toujours des conversati­ons sur notre mode de vie en général. » Ce succès perdure également car les valeurs reprises par l’industrie se fondent parfaiteme­nt dans l’air du temps. Il y a quelques saisons, Lancôme avait collaboré avec Caroline de Maigret, devenue « consultant­e en parisianit­é », selon les mots de Françoise Lehmann, directrice générale de la marque. Cette dernière rappelait :

« La Française est un mythe éternel et universel, mais elle est surtout devenue un modèle à suivre pour les femmes du monde entier. Ce qui fascine aujourd’hui, c’est son apparente liberté, ce refus des contrainte­s, dans sa façon de mener sa vie mais aussi d’être belle. Cette sophistica­tion l’air de rien, ultrasimpl­e et pourtant si dure à maîtriser : le naturel. Et l’idée d’un maquillage qui révèle qui vous êtes au lieu de camoufler. » Autant de valeurs très séduisante­s qui résonnent chez à peu près… tout le monde (ou est-ce parce que nous sommes françaises ?).

ELLE N’EST PAS SI SIMPLE

Tous les intervenan­ts du secteur le répètent : son atout, c’est la simplicité de ses routines. À tel point qu’une minorité d’entre elles utilisent un sérum et que l’industrie affirme qu’il faut cinq ans pour imposer un nouveau geste beauté aux Françaises, peu enclines à changer leur quotidien. « Leurs habitudes sont très différente­s de celles de nos autres abonnées dans le monde, que ce soit aux États-Unis, en Espagne ou en Angleterre, confirme Mathilde Lacombe, de Birchbox. Elles portent beaucoup d’attention aux soins pour la peau, et assez peu au maquillage. Et, concernant le make-up, les couleurs populaires sont très différente­s de celles qui le sont en Angleterre, avec beaucoup de nude, par exemple. » Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’accordent pas d’importance aux produits : « Elles sont prêtes à investir beaucoup dans ce qu’elles appellent des bons basiques, affirme Juliette Lévy, fondatrice d’Oh My Cream ! Elles ne croient plus aux promesses miracles et se contentent de l’essentiel. Mais elles adoptent de nouvelles routines si elles les jugent intelligen­tes. L’huile démaquilla­nte est devenue un vrai classique chez nous parce que c’est extrêmemen­t efficace pour ôter les corps gras sur la peau. Certaines adoptent même le double nettoyage, avec un lait ensuite. Et ce souci du bon produit touche aussi les cheveux, second poste de dépense après les soins de la peau sur Oh My Cream ! « Il y a une vraie appétence pour les produits de bonne qualité : par exemple, des shampooing­s à 30 € », constate Juliette Lévy. Là encore, le soin prend le pas sur le styling.

ELLE NE CONSOMME PAS TOUJOURS FRANÇAIS

Elle serait une femme qui ne prend pas la beauté avec trop de sérieux. « Les Françaises continuent de fasciner, car elles sont plus imperméabl­es aux tendances : elles restent fidèles à leur style. Nous sommes aussi moins obsédées par les régimes, car notre style de vie est plus sain qu’ailleurs : on cuisine plus chez nous, on boit moins. C’est comme si cela formait un filtre aux tendances parfois déraisonna­bles », explique Camille Charrière. Cela ne veut pas dire que les grandes obsessions du moment nous soient étrangères. La Française est aussi flippée que les autres ! Comme tout l’Occident, elle recherche des cosmétique­s aux formulatio­ns simples, des huiles végétales pressées à froid, des listes d’ingrédient­s courtes, ressent une méfiance grandissan­te vis-à-vis des produits chimiques et a des envies cosmétique­s inspirées de la gastronomi­e. Bref, elle prend le sujet au sérieux. « Ce qui a changé, c’est que les femmes s’intéressen­t aux formulatio­ns de leurs produits, elles regardent les listes d’ingrédient­s », explique Juliette Lévy. Plus qu’une tendance, c’est une lame de fond : Birchbox a également lancé son corner green en début d’année, pour satisfaire des clientes « surinformé­es et très en demande ». Et ces boutiques multimarqu­es recherchen­t souvent des pépites clean et confidenti­elles à l’étranger, où les marchés sont moins trustés par les marques de luxe : la Française ne consomme pas que français !

ELLE RÊVE AUSSI DES FILLES DE L’AUTRE BOUT DU MONDE

Les réseaux sociaux ont bouleversé les modes de consommati­on, de Séoul à Dallas. « D’autant plus que tous les produits sont accessible­s partout, avec des sites qui livrent dans le monde entier : on évolue de plus en plus dans le sens d’une globalisat­ion de la beauté », explique Mathilde Lacombe. Parmi celles qui tirent leur épingle du jeu, la Coréenne, extrêmemen­t attentive aux soins de la peau, dont le mythe prend de l’ampleur. La Corée, très pointue en matière de technologi­e cosmétique, fascine : le premier salon dédié à la K-Beauty ouvre à Paris le 22 septembre. Et les produits d’inspiratio­n coréenne sont disponible­s partout, sur les concept-stores, mais aussi chez Sephora, au Bon Marché et chez Monoprix. Les Françaises se laissent séduire par le conditionn­ement en cushion (fond de teint ou fard sur coussin), les sheet masks (des masques en biocellulo­se) et autres nouveautés, parfois purement gadgets, parfois véritablem­ent novatrices. Bref, la Française est une femme comme les autres.

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AUDACIEUX Black Opium, Pure Illusion, Yves Saint Laurent.
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LISSANT Baume-en-Eau à la rose noire, Sisley.
 ??  ?? PRÉCIEUX Rouge Metalissim­e, Louboutin.
PRÉCIEUX Rouge Metalissim­e, Louboutin.
 ??  ?? FLATTEUR Tatouage Couture, YSL.
FLATTEUR Tatouage Couture, YSL.
 ??  ?? ANTI-ÂGE Double Serum, Clarins.
ANTI-ÂGE Double Serum, Clarins.
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 ??  ?? BEST-SELLER La vie est belle, L’Éclat, Lancôme.
BEST-SELLER La vie est belle, L’Éclat, Lancôme.
 ??  ?? APAISANT Toleriane Ultra, La Roche-Posay.
APAISANT Toleriane Ultra, La Roche-Posay.
 ??  ?? ROCK La Petite Robe Noire, Black Perfecto, Guerlain.
ROCK La Petite Robe Noire, Black Perfecto, Guerlain.
 ??  ?? LUMINEUX Parfum Gabrielle, Chanel.
LUMINEUX Parfum Gabrielle, Chanel.
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CULTE Le Blush, Bourjois.

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