Madame Figaro

7 infos : hommage à Johnny Hallyday.

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C’était il y a dixans exactement, en novembre 2007 : « Madame Figaro » avait réuni Johnny Hallyday et Christine Angot pour une rencontre exclusive. À ce moment-là, le chanteur sortait son album « le Coeur d’un homme », le bien nommé. Ils avaient accepté immédiatem­ent de se voir : l’écrivain aime les interprète­s, l’artiste respectait les auteurs. Elle était légèrement intimidée, il l’avait accueillie avec délicatess­e, et la magie avait opéré, celle d’un homme et d’une femme qui se parlent vraiment, à mi-voix, avec douceur, et échangent des choses vraies. Flash-back.

Christine Angot. – Je n’ai pas de questions, je ne suis pas journalist­e… Johnny Hallyday. – Quelle chance ! C. A. – Mais je n’ai pas de réponses… J. H. – Moi non plus, je n’ai pas de réponses, vous savez. Ne vous inquiétez pas, on n’a jamais de réponses dans la vie. Seul l’avenir nous dit si on a eu raison ou tort.

C. A. – Au fond, très peu de chanteurs, et très peu d’hommes, sont dans l’expression des sentiments. C’est, prétendume­nt, le domaine des femmes. Quand ils veulent s’exprimer, il faut qu’ils passent par les codes féminins. J’ai entendu dire qu’Édith Piaf pensait que Jacques Brel n’aurait pas dû chanter « Ne me quitte pas », que c’était un truc…

J. H. – … qu’une femme aurait dû chanter.

C. A. – Oui, comme s’il y avait dans cette chanson quelque chose qui ne relevait pas de la dignité d’un homme…

J. H. – Je ne suis pas d’accord.

« Ne me quitte pas » est l’une des plus belles chansons qu’on ait pu écrire pour une femme, au même titre que « Je l’aime à mourir », de Francis Cabrel. On ne peut pas chanter une chanson comme ça si on n’aime pas les femmes. Moi qui aime les femmes et qui les respecte, je crois qu’un homme a besoin d’une femme pour vivre. Je dis ça au premier degré, parce que les sentiments sont toujours au premier degré. Après, on essaie de trouver des formules pour être au deuxième degré. Je préfère parler au premier degré, parce que la vérité, c’est le premier degré. Il faut avoir vécu et souffert, on ne peut pas chanter ça à 18 ans.

C. A. – En vous écoutant, je me dis : c’est un homme qui chante avec sa sensibilit­é particuliè­re ; il a une manière d’exprimer ses sentiments comme un homme le ferait, et pas comme une femme.

J. H. – Pour chanter comme je chante, j’écoute beaucoup les femmes.

C. A. – Vous écoutez quoi des femmes ? J. H. – Je vis avec une femme, j’ai été élevé par des femmes, ce sont elles qui ont fait mon éducation.

Je n’ai pas eu la chance d’avoir un père. Ça m’a manqué toute ma vie, et ce n’est pas maintenant que je vais le juger, il a été malheureux toute sa vie… Je comprends beaucoup plus l’émotion des femmes que celle des hommes, ce qui ne m’empêche pas d’être un homme…

C. A. – « Tout donner », dites-vous dans une de vos chansons…

J. H. – Vous savez, les gens attendent de moi que je leur donne ce qu’ils espèrent, c’est-à-dire tout. C. A. – Et vous êtes d’accord ?

J. H. – Oui, je ne triche pas, je leur donne ce que j’ai. Le jour où je ne pourrai plus, j’arrêterai. J’ai la chance d’avoir de l’énergie. Plutôt que de la mettre ailleurs, je l’ai mise sur scène.

C. A. – Dans « Rendez-vous », mon dernier livre paru (NDLR : nous sommes en 2007), j’ai mis en exergue une phrase de Rimbaud que j’adore : « Nous savons donner notre vie tout entière tous les jours. »

J. H. – Je ne dirais pas donner « notre vie tout entière tous les jours », mais donner « notre vie tout entière » quand on a quelque chose qu’on aime à donner. Mais ce n’est pas aussi simple que cela. Le reste, il faut le préserver…

C. A. – Disparaîtr­e, ça fait un bien fou. Ça ne veut pas dire qu’on ne parle plus, mais… comment dire… on n’est plus un objet de curiosité pour l’autre. J’arrive à disparaîtr­e auprès de gens qui sont très différents de moi en apparence. Je suis un peu lassée de ces communicat­ions où tout est codé, où on est pris dans un système…

J. H. – Alors je suis comme vous. Moi, je suis lassé de faire des interviews, parce qu’on me pose toujours les mêmes questions.

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