Madame Figaro

TIMOTHÉE CHALAMET Acteur-né

À VINGT-DEUX ANS, CE FRANCO-AMÉRICAIN A L’ÉTOFFE D’UN GRAND. POUR SON RÔLE DANS “CALL ME BY YOUR NAME”, IL EST NOMINÉ AUX OSCARS DANS LA CATÉGORIE MEILLEUR ACTEUR. ZOOM SUR UN PHÉNOMÈNE.

- CLARA DUFOUR

DEPUIS QUELQUES MOIS, les Américains apprennent à prononcer son prénom français sans l’écorcher. Certains butent encore et disent « Taymotai » ou « Timoti ». Seule certitude : Timothée Chalamet est un prodige. Le 23 janvier dernier, le jeune Franco-Américain a été nominé aux oscars dans la catégorie Meilleur Acteur à seulement 22 ans. Du jamais-vu depuis soixante-dix-huit ans. Face à lui ? Des pointures hollywoodi­ennes comme Gary Oldman ou Daniel Day-Lewis.

« C’est irréel ! Mes rêves les plus fous se réalisent, s’étonne-t-il. Je ne remportera­i pas l’oscar, mais quel honneur d’être associé à ces acteurs fabuleux ! » On rencontre le phénomène dans un palace parisien, en pleine promotion de « Call Me by Your Name », de Luca Guadagnino, le film qui a changé sa vie. Chevelure brune ondulée, regard vif vert bleuté, silhouette déliée, c’est un jeune premier décontract­é, rieur, charmant, qui engage la conversati­on dans un français impeccable, la langue de son père, correspond­ant aux États-Unis pour la presse française pendant quatorze ans avant de travailler pour l’Unesco. Mais très vite, il s’exprime en anglais, sa langue maternelle. Il parle vite, bondit sur sa chaise, se lève, se rassoit, accompagne chaque phrase de grands gestes expressifs. Il dit avoir été un enfant turbulent. Le genre de gamin surdoué jamais rassasié. « Le jeu m’a sauvé, souligne-t-il. Quand on me demande pourquoi je suis devenu acteur, j’ai cette réponse simple : “Il ne pouvait en être autrement.” Si je n’avais pas trouvé comment canaliser mon énergie en m’exprimant à travers le jeu, j’aurais été malheureux. » Timothée Chalamet a grandi à New York dans une famille d’artistes – mère danseuse, soeur actrice, grand-père scénariste, tante productric­e… « Mon côté extraverti et mon adoration pour la scène me viennent de ma mère, qui m’emmenait très jeune assister à des performanc­es d’acteurs à Broadway. » C’est à La Guardia, célèbre école pour jeunes artistes (celle de la série musicale « Fame »), que ce talent précoce trouve sa voie.

La trajectoir­e de Timothée Chalamet ressemble à un classique américain en version accélérée : il fait ses armes dans des séries télé (« Homeland »), puis « Interstell­ar », de Christophe­r Nolan, lui ouvre grand les portes du cinéma. Depuis il enchaîne les films. « J’essaye de privilégie­r des projets indépendan­ts avec un esprit européen dans l’écriture et le style. » Le film de l’Italien Luca Guadagnino, « Call Me by Your Name », est de ceux-là. Il raconte, dans la moiteur d’un été en Italie, l’histoire d’amour sensible, sensuelle et solaire entre Olivier (Armie Hammer), un jeune doctorant de 24 ans, et Elio (Timothée Chalamet), un adolescent de 17 ans : « Quelques scènes de sexe auraient pu me faire hésiter, mais j’ai repensé à “la Vie d’Adèle” : lorsque le propos est beau, juste et fort, le film l’est aussi. »

Timothée Chalamet figure aussi au générique de « Lady Bird », de Greta Gerwig (en salles le 28 février), également nominé aux oscars. D’autres auraient vu leur ego enfler. L’acteur semble étonnammen­t préservé du syndrome de la grosse tête. « Je le dois à mon entourage », confirme-t-il. L’un de ses mentors, Matthew McConaughe­y, l’avait mis en garde : « Être acteur et être célèbre sont deux choses différente­s à gérer. » Timothée Chalamet ne l’ignore pas : adolescent, il a fait la une des tabloïds lorsqu’il sortait avec Lourdes Leon, la fille de Madonna. Désormais, il botte en touche à la moindre question personnell­e. Lorsqu’il ne tourne pas, on sait que Timothée Chalamet vit en colocation à East Village et suit des cours à l’Université de New York (NYU), comme n’importe quel jeune de son âge. « Je veux continuer à apprendre, vivre de nouvelles expérience­s, cela me construit et enrichit mon travail d’acteur. » Néanmoins, l’acteur a dû affronter sa première tempête médiatique. Star du prochain Woody Allen, « A Rainy Day in New York », il a décidé en janvier de reverser son salaire à des associatio­ns de lutte contre le harcèlemen­t sexuel, prenant ainsi position contre le réalisateu­r controvers­é (accusé d’agression sexuelle par sa fille adoptive Dylan Farrow). Le film ne sortira peut-être pas. On est (déjà) très sérieux quand on a 22 ans…

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