“L’AUTORISATION DE LA PILULE NE S’EST PAS ACCOMPAGNÉE D’UNE CAMPAGNE D’INFORMATION”
JEAN-MARIE BOUISSOU, historien, est spécialiste du Japon contemporain *. Pourquoi la pilule a-t-elle finalement été autorisée en 1999 ?
Le dossier est resté sur le bureau du ministère de la Santé pendant trente ans. Ce n’est que lorsque le Viagra a été autorisé que le dossier pilule a progressé : ce n’était plus tenable. Est-ce qu’il y a eu une forte demande à l’époque ? La mise sur le marché de la pilule en 1999 ne s’est pas accompagnée d’une
campagne de santé publique. Du coup, il y a eu très peu de demandes. Les femmes étaient de plus assez réticentes, élevées avec l’idée que la pilule fait le lit du cancer. Comment expliquer cette exception japonaise ? Au Japon, la question des droits n’existe pas comme nous l’abordons, c’est plutôt une question de contrat. Demander l’égalité n’est pas perçu comme ayant du sens. Des spécificités existent entre les hommes et les femmes, qui se répercutent sur leurs compétences sociales.
Pourtant, les femmes commencent à se mobiliser, notamment sur le harcèlement et le viol. Le Japon a été le deuxième pays en termes de tweets sur #metoo. Mais la presse n’a pas suivi, les histoires ne sont pas relayées, les autorités n’ont pas embrayé. Du coup, les rares femmes à avoir parlé publiquement sont très critiquées.
* A dirigé notamment la publication d’« Ésthétiques du quotidien au Japon », Éditions du Regard, illustré par Nicolas de Crécy.