Madame Figaro

LIFESTYLE/spécial déco

- PAR LAETITIA CÉNAC / PHOTOS MATIAS INDJIC / RÉALISATIO­N SONIA BÉDÈRE

DEPUIS L’ENFANCE, ELLE A DEUX AMOURS : LE CINÉMA ET LA DÉCORATION. ACTRICE INCLASSABL­E, INLASSABLE ESTHÈTE, MARINA FOÏS IMAGINE ET DESSINE SES MEUBLES.

DE LA RADICALITÉ DU BAUHAUS À L’ÉNERGIE DES SEVENTIES, CETTE PASSIONNÉE MAÎTRISE AUSSI L’ART DE MIXER LES STYLES À LA PERFECTION. MOOD BOARD D’UNE STAR HABITÉE.

AOLO FOÏS,

mon grand-père italien

« En Italie, on appelle les gens par leur titre. Tout le monde l’appelait architetto. Il avait conçu, à Milan, la première boutique Hermès. C’était un personnage fantasque, comme sur cette photo, où il peint les rochers de la forêt près de chez lui, à Bergame. Il avait fabriqué pour mon frère et moi des faux téléphones en os de poulet, attachés à nos lits superposés, pour que l’on puisse se parler la nuit. J’étais très attachée à lui. Sûrement, son oeil a déterminé mon goût pour les choses en marge, aussi bien que mon obsession des lignes pures. Dans les archives familiales, nous avons trouvé des dessins de luminaires et de chaises jamais édités. Nous avons décidé de produire un fauteuil. On en manque dans notre maison italienne, et c’est plus drôle que d’aller chez Ikea… »

LE FILM

Opening Night

« L’esthétique des films des années 1970 est une référence absolue. L’associatio­n des couleurs, le mobilier, les laques foncées… Et, plus que tout, cette lumière particuliè­re qui naît de l’emploi de la pellicule. L’image est extraite d’Opening Night, un film de John Cassavetes, l’un de mes réalisateu­rs fétiches qui sonde l’âme humaine, l’amour, la féminité, la solitude, la dépendance… L’actrice Gena Rowlands a cette beauté singulière, un peu déglingue, le contraire des canons classiques d’une Grace Kelly. Elle me touche, elle me fait rire, elle m’embarque. Sans compter le mélange du rouge et du bleu qui est parfait. Seuls les enfants et les grands artistes savent très bien manier les couleurs. »

LA MOQUETTE

Comme un tableau

« J’ai des enfants et des animaux, je ne peux pas avoir de moquette propre... Ce sera dans une autre vie. Une seule pièce avec une belle moquette, cela suffit, c’est comme un tableau. Le créateur Nicolas Ghesquière, qui mélange comme personne les textures, les couleurs, les lignes…, m’a donné le goût des moquettes imprimées (et des sols en général, voir les sets de ses défilés). Mon cerveau se nourrit aussi d’images de films, comme celles des décors de Shining, de Stanley Kubrick, ou celles de Barton Fink, des frères Cohen. Aimer les lignes pures d’un Mies van der Rohe et les motifs baroques peut paraître paradoxal. Le meilleur de la déco, c’est le mélange, mais il faut un oeil très pointu pour trouver l’harmonie. »

LES TAPISSERIE­S

de Clémence Dumont L’art du mélange « Elle fait des tapisserie­s pornos hyperbelle­s. Celle-ci, Richard, Victor and Ronnie, est une version soft qui représente des hommes bodybuildé­s. J’aime le mélange entre la broderie – occupation bourgeoise – et le sujet, sensuel, voire cru, qui décale le propos. C’est beau et inédit. J’ai aussi le goût des papiers peints, des motifs. En y réfléchiss­ant, la tapisserie est un atavisme du côté maternel. Ma grandmère, née au Caire, issue de la diaspora juive de Salonique, collection­nait les tissus anciens. Elle fixait sous verre des petits bouts de tapisserie de 10 cm sur 10 cm. Moi, j’achète des tissus, dont je ne fais rien, juste parce que je les aime. »

LE BÉTON

Brut et sensuel

« Cette photograph­ie de Steve McQueen est méga sexy. Il y a une espèce d’accord parfait entre la sensualité des corps et la brutalité du béton. Et puis, il y a la cigarette. J’ai la nostalgie des photos avec des cigarettes parce que ça n’existe plus. J’ai l’impression qu’ils passent un bon moment tous les deux, non ? En fait, c’est très basique : deux corps, une clope, du béton… Une sorte de perfection. »

CARLO SCARPA ET MIES VAN DER ROHE

Architecte­s iconiques

« Chez Carlo Scarpa, je vénère l’absolu raffinemen­t, la délicatess­e extrême. Les murs épais percés de cercles parfaits… Venise, la boutique Olivetti (photo ci-dessus), ses sols, son escalier… Il détourne les contrainte­s en harmonie. Quant à Mies van der Rohe (photo p. 141), je n’ai que des superlatif­s à son égard, alors qu’il est l’inventeur de la formule : Less is more. Comment dessiner l’espace de manière aussi simple et aussi radicale ? À défaut d’une maison, je voudrais avoir sa Lounge Chair. Les pièces de design sont comme des tubes. Les gens sont contents, encore aujourd’hui, de danser sur Marcia Baïla des Rita Mitsouko, moi je suis contente de reconnaîtr­e une lampe Pipistrell­o dans un intérieur ou de me vautrer dans un Paulin. » LE TERRAZZO

On dirait le Sud

« Cela ne me disait rien et, depuis quelques mois, j’en suis dingue, victime de la mode. Mais le terrazzo convient aux sols des pays chauds, pas aux Parisiens. J’aime les tommettes en Provence, je les déteste à Paris. Je suis pleine de principes et de théories, limite facho. J’aimerais mettre du terrazzo, beige-blanc-noir, partout dans notre maison napolitain­e. Ce granité, composé d’éclats de marbre, a un côté cheap, moins ostentatoi­re que le marbre que j’adore, mais qui est plus majestueux, donc intimidant. Je suis vraiment une fille du Sud. J’aime le bruit et la vie, pas la propreté suisse, les villes de Naples – où est né mon père –, Palerme et Syracuse, avec leur architectu­re baroque et la mer aux pieds des églises. »

RICHARD NEUTRA

Du bois et du verre « J’ai longtemps pensé que je m’étais fabriquée seule… que mes goûts n’étaient que les miens. J’ai découvert, a posteriori, que mon amour pour les maisons en bois et en verre signées Richard Neutra était lié à la maison de mon grandpère. Il avait dessiné un cube amovible en formica noir en guise de cuisine, posé au milieu d’une grande pièce pleine de fenêtres carrées cernées de bois, comme des Polaroid. Simple et beau à la fois. J’ai également un faible pour les banquettes recouverte­s de coussins rectangula­ires et plats. Là encore, c’est une résurgence du passé, des grandes tablées entourées de banquettes… Le repas est sacré chez les Italiens. »

LES PHOTOGRAPH­IES

d’Antoine d’Agata Noir, c’est beau « Un photograph­e que j’adore. Un homme singulier qui voyage à travers le monde (Phnom Penh, Cambodge, Noia, 2006, photo p. 141), se mettant en scène dans les bordels et

les bas-fonds. Une errance en forme de performanc­e. Son univers trash est beau, un peu comme une peinture de Bacon. Il fait des flous magnifique­s, et j’adore le flou, ne me demandez pas pourquoi… On peut trouver ça noir. Moi, cela ne me dérange pas, ça me touche. Dans la vie, je préfère la joie, évidemment, mais, dans l’art, la noirceur ne me déplaît pas, ni la violence… J’aime Nan Goldin et Michael Haneke. J’ai plein de photos de d’Agata chez moi : une prostituée dans un bar de Mexico, des ouvriers du Monténégro, des enfants gitans…, et presque tous ses livres. Je le collection­ne. »

LES ANIMAUX EMPAILLÉS

Comme des sculptures

« Je sais que cela choque les gens, mais je rêve d’avoir un tigre ou une girafe. Il faut pouvoir évacuer l’aspect mortifère pour aimer. Ces animaux sont des objets, des sculptures. Posés au milieu de fauteuils très sophistiqu­és, le contraste me plaît, incongru. Chez moi, j’ai une grue cendrée sur une cheminée. J’ai beaucoup de cheminées, si je peux me permettre de frimer. Je possède également un ibis rouge et des boîtes de papillons… »

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 ??  ?? EN SCÈNE Marina Foïs dans le décor de béton brut de la pièce Les Idoles, de Christophe Honoré, qui se joue actuelleme­nt dans différente­s villes de France.
EN SCÈNE Marina Foïs dans le décor de béton brut de la pièce Les Idoles, de Christophe Honoré, qui se joue actuelleme­nt dans différente­s villes de France.
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