Dans l’atelier QUI RESSUSCITE LES SACS
RESTAURER SES LÉGENDAIRES PIÈCES DE MAROQUINERIE POUR QU’ELLES PERDURENT DE GÉNÉRATION EN GÉNÉRATION : C’EST LA MISSION DE L’ATELIER DE RÉPARATION DE LA MAISON HERMÈS. QUATRE À CINQ MILLE ARTICLES PASSENT TOUS LES ANS ENTRE LES MAINS DE
SES ARTISANS VIRTUOSES.
DE PLUS EN PLUS ATTENTIFS À LA QUALITÉ et aux conditions de production de leurs achats, les consommateurs veillent aussi à leur entretien dans le temps. Les artisans qui opèrent au service réparation de la maison Hermès, à Pantin, en région parisienne, consacrent tout leur savoir-faire à la restauration de pièces anciennes ou accidentées. Une mission de durabilité, de responsabilité éthique et écologique. Car, si les produits de la maroquinerie de luxe sont conçus pour être quasiment indestructibles, le temps et un peu de négligence ramènent parfois ces pièces d’exception entre les mains mêmes de celui ou celle qui les a fabriquées.
EMPREINTE SECRÈTE
Isabelle Arnardi est directrice du pôle matières d’Hermès : « Pour nous, un beau cuir est un cuir qui va se bonifier avec le temps. Selon l’usage, le frottement, l’endroit où l’on pose la main, il va se satiner et se patiner. » Par précaution, lorsqu’elle choisit une nouvelle peau, elle envoie à l’atelier de réparation un échantillon après « essai porté », afin que les artisans encodent tous les paramètres et soient capables d’agir dans dix ou vingt ans. Au moment de la fabrication, avant de couper le cuir, on le manipule pour anticiper la façon dont il évoluera. À cet examen s’ajoute la notion de « qualité cachée » : dans la poignée, par exemple, on place un solide ruban de cuir pour éviter l’usure précoce. Mille attentions indétectables à l’oeil nu. Ensuite, chaque sac est marqué selon une empreinte secrète par l’artisan qui l’a conçu, mais également par celui qui l’aura réparé. Ainsi, l’histoire d’un sac est inscrite à la fois dans sa peau et dans sa structure.
CHAÎNE D’EXCELLENCE
Tout au long de sa carrière, chacun doit faire confiance à la qualité du travail du précédent, selon le principe d’une chaîne d’excellence. Pascal Rundstadler, artisan maroquinier aux ateliers Hermès, est entré dans la maison « à 14 ans et demi », il y a plus de trente ans. Aujourd’hui responsable de l’atelier réparation, il réceptionne les sacs déposés dans les boutiques Hermès du monde entier, puis envoyés pour réparation à Pantin : « On commence par un diagnostic, puis on fait un devis. L’atelier fait revivre 4 000 à 5 000 pièces par an, du mobilier à l’art de vivre. » En passant, bien sûr, par la maroquinerie, des années 1900 à nos jours. Dans une petite pièce remplie de rouleaux de cuir, les archives remontent jusqu’en 1925. Pour les réparations, il va s’agir de trouver la peau la plus proche de celle d’origine ou, si l’on n’en possède plus d’échantillon (il faudrait stocker plus de 1 500 types et couleurs de cuir), on le recrée, à l’identique, avec l’aide des tanneurs de la maison.
SHERLOCK HOLMES DU CUIR
Cette opération de rénovation implique un minutieux travail d’investigation. « Pour restaurer les sacs, on les “déshabille”, explique encore Pascal Rundstadler. Les clientes n’assument pas toujours de révéler ce qui s’est vraiment passé, mais, pour ôter une tache, on doit en connaître la cause. Nous avons par exemple réceptionné un Birkin en croco lime sali par de la sauce soja, mais la cliente a d’abord feint d’ignorer ce qui était arrivé. D’expérience, nous savons que les femmes mangent souvent des salades au restaurant, et nous réparons de nombreux incidents de vinaigrette ! » Attention à nos petites négligences (et gros mensonges) : rien n’échappe à ces détectives du luxe. « En observant son sac, on voit tout de suite si une cliente ferme ou non les deux sanglons, si elle porte son Kelly ouvert et même si elle applique beaucoup de crème sur ses mains.