« Numériquement vôtre », par Nathalie Collin.
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Npeut le voir désormais : la révolution numérique est comme la langue d’Ésope ; elle a produit le meilleur, mais aussi le pire. Le meilleur ? Elle a libéré la communication, apporté à tous la culture et l’information, pris en charge d’innombrables tâches répétitives, favorisé l’économie du partage, amélioré les mécanismes démocratiques qui fondent l’espoir d’une société plus ouverte, plus libre, plus égalitaire.
Le pire ? Les géants du numérique aspirent les richesses sans les redistribuer, ou si peu. Ils favorisent les sites les plus menteurs ou les plus outrageants, pour le plus grand profit des populismes partout dans le monde.
L’Europe peine à résister. Elle a bataillé pour garantir les individus contre la confiscation des données, tenté d’instaurer l’égalité fiscale entre les GAFA et les autres. Sa division l’empêche d’aller plus loin. Elle forme les meilleurs ingénieurs, développe des start-up conquérantes qui se battent à armes inégales avec les prédateurs dominant le marché mondial.
Cet univers de concurrence effrénée est de surcroît un monde d’hommes. Dans la sphère des grandes entreprises numériques, les femmes restent secondes. Toujours s’exerce la primauté masculine en dépit des discours sur la parité. Les patrons ne sont jamais des patronnes ; les valeurs dominantes sont celles du plus fort, du plus riche et, demain, de l’homme immortel, au service de quelques-uns, bien loin de l’utopie initiale du partage.
Dans ce monde dur aux faibles, les femmes ont un rôle à jouer, urgent et précieux. Faire en sorte que la révolution numérique soit une émancipation, pour elles, pour les minorités délaissées, pour les oubliées du rêve californien, pour que les écrans soient un reflet du monde réel et non le miroir déformant des archaïsmes de pouvoir et de genre, pour que la société des réseaux soit celle de l’égalité et de la bienveillance. Les jeunes générations féminines doivent investir le numérique, y gagner leur place, comme elles ont commencé à le faire dans la société réelle. Si elles se mobilisent, dans ce domaine comme dans tant d’autres, les femmes sont l’avenir du numérique.