MURIEL BARBERY Des elfes pour un conte
D’ABORD, ON SE DIT QUE L’AUTEUR DE L’ÉLÉGANCE DU HÉRISSON DÉVELOPPE
UN BIZARRE SYNDROME D’ADDICTION
AUX ELFES, puisque voici le deuxième roman qu’elle leur consacre (le premier, La Vie des elfes, sort en « Folio »). On se demande ensuite si elle ne se prend pas pour J.K. Rowling, essayant de créer un univers magique concurrent de celui de Harry Potter. En fait, ne s’agirait-il pas plutôt d’emboîter le pas à Tolkien et à ses sympathiques Hobbits ? En avançant dans la lecture, devant les foisonnantes descriptions du monde des elfes noyé dans des brumes surnaturelles, d’une beauté presque suffocante d’être si parfaite, on a soudain l’impression de s’enfoncer dans la précision glacée d’un jeu vidéo – comme si elle voulait rivaliser avec les images de synthèse et prouver que la littérature peut relever le défi. On suit les aventures rocambolesques de Petrus, un elfe émissaire dans le monde des humains. Il découvre l’amour du vin et tente de comprendre, à partir d’un tableau mystérieux et d’un carnet gris, ce qui se trame dans les profondeurs de l’invisible et ce qui met en danger l’éternité des brumes... Seule une alliance entre les elfes et les hommes peut sauver les deux mondes, alors qu’une guerre totale se prépare.
Les elfes ont une forme humaine et deux formes animales, et ils sont sans cesse en train de passer de l’une à l’autre, ce qui crée des images fortes et comme en mouvement. La nature magique subit sans cesse, elle aussi, quantité de métamorphoses... En se laissant emporter par ce roman-voyage extravagant, en se laissant envoûter par l’écriture fantastique qui atteint une sorte d’abstraction, le plaisir est intense. Muriel Barbery nous permet de renouer avec notre part de rêve, de poésie. Entrer dans son monde est un véritable enchantement.