CHRISTOPHE GUILLUY
Géographe *
« AFIN DE POUVOIR ÉCHANGER, nous avons besoin de “refaire société” dans un pays communautarisé où la contestation sociale a longtemps été atomisée. Le mouvement des “gilets jaunes” a fait prendre conscience aux classes populaires qu’elles existent en tant que collectivité. Beaucoup avaient le sentiment d’être isolés, marginaux. La France périphérique, écartée de la vie politique et économique des métropoles, reprend une place centrale dans le débat public.
Maintenant qu’ils (et elles) sont visibles – après avoir été mis hors champ des radars politiques et médiatiques pendant trente ans –, ouvriers, paysans, professions intermédiaires ou retraités éloignés des grandes villes mondialisées se sentent plus légitimes pour faire porter leur voix. Il est primordial que les réflexions soient suivies d’effets, et que chaque interlocuteur soit pris au sérieux.
Le “peuple” est trop souvent dépeint comme ignorant, raciste, belliqueux, homophobe… Il y a un mépris de classe qui doit être mis de côté pour dialoguer. Les élites doivent cesser d’ostraciser la France “d’en bas”, et parler à ce monde, même si elles estiment qu’il n’est pas
“le leur”. Chacun doit être impliqué dans ce débat, et rejoindre le mouvement réel de la société, afin de réintégrer à sa façon la communauté nationale. »