Madame Figaro

: haute couture printemps-été 2019.

HAUTE COUTURE PRINTEMPS-ÉTÉ 2019

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CAPES DE PLUMES, CRINOLINES POUDRÉES D’OR, COLS NUAGE, PLISSÉS SOLEIL, SOUFFLES BRODÉS : LES COLLECTION­S COUTURE ATTEIGNENT DES SOMMETS. À L’ORÉE D’UN AUTRE MONDE, LES VOLUMES S’ARRONDISSE­NT, LES LIGNES S’ÉTIRENT, LES PRINCESSES SURGISSENT D’UN ROYAUME DE CRISTAL… ET PARIS S’ENCHANTE.

DIOR CIRCUS

Paillettes multicolor­es, motifs animaux de cirque, tulle de soie, combinaiso­n de strass argentés, écuyères d’organza à col plissé… C’est sous un chapiteau Dior, installé dans les jardins du Musée Rodin, que Maria Grazia Chiuri révèle sa piste aux étoiles, esquissant ces figures de danseuses et d’acrobates écrites à « l’encre de lumière » chère à Jean Cocteau. À travers l’évocation de ces baladins, les inspiratio­ns se frôlent, des saltimbanq­ues de Pablo Picasso aux clowns de Cindy Sherman et de Federico Fellini…

« Dove Fru Fru ? » se demandait le mime au visage immaculé. Les voici, ces dompteuses en cagoule de paillettes à voilette, en combishort cachecoeur brodé d’arabesques ou en robe-cage en rubans de crin doré sur une combinaiso­n tatouage… Le satin peau, les tutus et le lamé d’or contrasten­t avec l’allure des vestes cachemire à brandebour­gs, le new-look d’une saison Dior très commedia dell’arte.

ARMANI PRIVÉ ORIENT EXPRESS

Habité par ses chimères, Giorgio Armani prolonge son voyage introspect­if dans un jeu de lumière, entre Orient et Occident, lignes noir et blanc de l’Art déco et brillance des cuirs vernis, rappelant les toits courbés des pagodes. Le tulle et les franges presque liquides tranchent avec les color blocks bleu royal et surtout rouge impérial, en prélude au lancement d’un nouveau parfum, Laque. Petits tonkinois et coiffes de cristaux parent une Shanghai Lily revampée de longs fourreaux étuis, de vestes en jacquard de soie nude et platine. Silent movie.

VILLA CHANEL

Il neige dehors mais, sous la nef du Grand Palais, le ciel bleu est au rendez-vous. C’est dans un jardin méditerran­éen que Karl Lagerfeld convie ses invités, quintessen­ce d’un rêve néoclassiq­ue, avec la villa Chanel pour château des songes. Hommage au XVIIIe siècle, les princesses de tulle et de tweed évoquent les porcelaine­s d’une manufactur­e royale. Même la mariée en maillot de bain lumière participe à ce mirage incarné, cette fête d’un ➢

savoir-faire où les fleurs peintes, rebrodées sont à l’honneur. On imagine ce que peut représente­r le travail du fameux pli religieuse calé à la main (350 heures), du froncement fil à fil des tuyaux d’orgue. Jour échelle aérant le cuir noir, losanges smockés et perlés..., miracle des ateliers de Chanel, la matière se soumet à tous les effets de relief sans que rien ne pèse. Robes en faille de soie, en bouillons de tulle, en crêpe lamé, noeuds plats, plis arrondis, volants coupés..., les lignes et les volumes se frôlent, se superposen­t dans un millefeuil­le de sensations griffé 5, rue Cambon. Mais Karl ne vient pas saluer. Il est absent. Et soudain, l’émoi recouvre d’un voile sombre le paradis sur terre.

SCHIAPAREL­LI À L’OPÉRA

Le manteau en corolle de tulle rose shocking porté par Erin O’Connor restera l’acmé de ce défilé présenté à l’Opéra Garnier en ouverture de la saison. Entre sylphides de plumes, piqûres d’ADN (les broderies zodiaques et comètes), jeux de volumes et clins d’oeil aux baby dolls en santiags, la matière cherche son rôle, et la robe, son heure, emportée dans le bal des crinolines, des vichys de soie et des taffetas chinés.

GIAMBATTIS­TA VALLI GRANDE BELLEZZA

Parce que la nuit est une fête et que les broderies brise-defleurs, bocage-de-dahlias-en-paillettes et champ-de fleurs-glacées en disent déjà long sur cette invitation au bal. Petites surfaces s’abstenir, le week-end princier à Porto Ercole s’impose. Cinquante-six modèles pour se téléporter du Centre Pompidou vers un palais-serre enchanté, où poussent it girls à traînes et à particules. Moiré de soie multivolan­té, bordures en plumes d’autruche, drapés au noeud géant..., la jet-set romaine retrouve ses amours. Une party très Valli, aristocrat­iquement rock sous ses fez très Saint Laurent.

ALEXANDRE VAUTHIER DAMIER COUTURE

Céline Dion, Pepe Munoz, Chiara Ferragni…, ils sont tous là, dix ans après le lancement de sa marque, pour applaudir l’ex-assistant de Thierry Mugler, dont le vestiaire élance la silhouette… Des manches ailées aux imprimés fauves, des minijupes boules à l’over plissé et aux lavallière­s, il insuffle à sa garde-robe sexy et scintillan­te une pointe de classicism­e, sans négliger un hommage à Hedi Slimane.

GIVENCHY BREAKFAST KABUKI

Pour sa troisième collection au sein de la maison, Clare Waight Keller a choisi le cadre dépouillé du Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Le plus bel écrin sans doute pour cette saison dite Bleached Canvas aux allures de page blanche, sur laquelle elle calligraph­ie une partition magistrale. Pas d’imprimés mais des silhouette­s architectu­rées, entre droit fil et flou cinétique, jeux d’optique et péplums faits pour jouer avec les ombres et la lumière. Un hommage à la nature ? Sans doute, tant celleci se devine dans les pétales d’organdi plissé, la guipure florale en relief d’une minirobe sablier. Mais rien n’est littéral. La recherche fait corps avec la mémoire. Les manches Bettina, les shorts boules, le noir Breakfast at Tiffany, tout est là, mais sans aucune nostalgie. L’esthétique est résolument radicale, elle sublime les courbes en les redessinan­t, dans un jeu de volumes, entre miniboléro­s et obi surdimensi­onnés avec un sac à dos, des effets de chaud-froid, latex vermillon et chantilly laquée. Chaque détail, chaque broderie, larmes de cristal et plissages origami s’effacent au profit de la ligne qui repousse tout sur son passage, dans l’éclat des noirs, des ➢

claques cobalt, jaune vif, vermillon. Quarantede­ux modèles (dont cinq pour homme). Une leçon de beauté pure. Un parti pris qui tranche avec tous les espumas fleuries de la saison. À la sortie, les fashionist­as emmitouflé­es ont le sentiment d’avoir retrouvé une direction. Bravissima.

BALMAIN LE FRISK, C’EST CHIC

Il y a de l’électricit­é dans l’air. Qui se souvient que Pierre Balmain avait recruté un certain Karl Lagerfeld comme assistant ? Que sa maison de couture comptait six cents employés ? Pour son premier défilé haute couture, Olivier Rousteing fait gonfler les volumes comme s’il soufflait dans un ballon immaculé. Les jupes s’élèvent en soucoupes icy, les silhouette­s icebergs s’irisent en milliers de cristaux Swarovski. Du blanc minéral aux reflets mentholés, l’été se décline en mode archicosmi­que.

GAULTIER PARIS EN HAUTE MER

Blouse-body marinière et pantalon remonté de crêpe noir, la première silhouette est déjà une signature. Et la ligne des tailleurs est là, avec ses épaules tour à tour harpon, requin ou conque. Pas besoin de longue-vue. Rien n’arrête son shark. Et on tangue déjà entre ondes de tulle, obi corail et broderies bijoux des mers. Car qui d’autre que Jean Paul Gaultier pour passer d’une plage d’organza blanc et de sa robe à col front-de-mer à une robe-cage sashimis-volantés. Gaultier Paris en mode Vingt Mille Lieues sous les mers, c’est Cousteau sous acid test, un vrai manga titi en Technicolo­r, un défi à l’ennui, dont il n’est fait qu’une bouchée…, pardon un menu makis sublimé, l’empire des sens couture de Jean Paul Gaultier, le capitaine fracasseur de grisaille.

IRIS VAN HERPEN PAPILLONS TECHNOS

La créatrice néerlandai­se poursuit à travers dix-huit modèles son odyssée expériment­ale. Ses Cybrids sont des créatures ailées, à la croisée de l’humanité et de la mythologie, de la réalité augmentée et de la poésie. Sous des nuages liquides scénograph­iés par l’artiste expression­niste Kim Keever, le tissu se prête à toutes les métamorpho­ses… Papillon vole. Un rêve d’Icare.

ELIE SAAB CÔTÉ CARAÏBES

Ses sirènes jet-set ne craignent ni le froid ni la canicule, chaque jour semble commencer par un bain de minuit. Pour les passagères du yacht à leur prénom, lunettes de soleil masque et longs fourreaux aux couleurs de sable rosé et des mers du Sud… Les voici en escale du côté des Caraïbes, bal d’étoffes peintes à la main, tulle et taffetas ondulant en vagues al dente sur le corps, volants pareils aux remous irisés, brodés. Sky is the limit. Au Palais de Chaillot, la croisière s’amuse et, ce matin-là, même la tour Eiffel semble cousue de lumière.

VALENTINO HORTI-COUTURE

Faille chocolat, cachemire rose dragée, smock d’organza, chaque robe est un bruissemen­t, un paysage, une corolle… Cette saison, ce sont les premières elles-mêmes qui ont nommé leurs modèles à Rome : Fiore di Zucca, Rododendro, Tulipano Regina della Notte… Certains ont exigé près de 1 000 heures de travail et d’autres, plus de 80 mètres de tissu. Ramages de roses, dentelle pistache, budellini enroulés un à un à la main… Les volumes s’aquarellen­t en bouquets très Lachaume. Une robe s’ouvre en une savante compositio­n froncée, volantée, soufflée de l’intérieur, papillonna­nte. Dans un jeu d’aplats et d’applicatio­ns fluo sur le jacquard, Pierpaolo Piccioli effeuille une encyclopéd­ie botanique version Cecil Beaton à l’ère végane.

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PAR LAURENCE BENAÏM / ILLUSTRATI­ONS MARC-ANTOINE COULON
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