SOPHIE LOUBIÈRE La victime se rebiffe
DANS CE ROMAN NOIR, pas de flic dépressif
– et néanmoins tenace – ou de tueur en série, pas d’enquête aux méandres infinis et rebondissements tordus, mais la trajectoire implacable d’une vie sabotée qui mène au drame. Un polar à l’envers en somme... On ne part pas d’un fait divers pour chercher un coupable : on part d’une victime que l’on suit jusqu’au fait divers, qui viendra solder ses souffrances. Un thriller psychologique, bouleversant, intense. Laurence, surnommée Lolotte, grandit à SaintFlour, petite ville du Cantal, avec un frère aîné qui passe son temps à l’humilier. Auprès de son père qu’elle adore, la gamine se console avec la nourriture, devenant boulotte, puis obèse. Mais que se passe-t-il vraiment avec ce père qu’un jour la mère pousse dehors et qui disparaît, ce dont la fillette ne parvient pas à se remettre ? Par la suite, ses désordres alimentaires et sa relation aux hommes ne cessent de s’aggraver… Toutefois, elle parviendra à devenir championne olympique du lancer de marteau, seul domaine où sa masse corporelle fait merveille, puis croupière dans un casino. Sa mère, qui perd la tête après un accident de voiture, est placée dans un Ehpad et Laurence retourne vivre dans le pavillon de son enfance, que son frère n’a jamais quitté…
L’auteure suit au plus près la descente aux enfers d’une jeune femme, toujours dans la position de celle qu’on méprise et harcèle. Un polar sous le signe de #MeToo décrivant un monde plein de prédateurs à l’affût de victimes prédestinées à la manipulation mentale ? Laurence finit par refuser d’être une éternelle victime, mais se laisse alors guider par une folie aussi extrême que glaciale. À la fin s’opère un renversement de perspective, qui suggère que la réalité et la vie sont souvent d’une complexité terrifiante. I. P.