FRANCE-USA
LE PARCOURS DES COMBATTANTES
PLUS DE DÉCIDEUSES AUX ÉTATS-UNIS, MAIS MOINS DE RÉALISATRICES QU’EN FRANCE. POURTANT, DANS L’INDUSTRIE DU CINÉMA, LES VOIX FÉMININES SE FONT ENTENDRE DE PLUS EN PLUS FORT. L’AUBE D’UNE RÉVOLUTION ?
SUR LE TAPIS ROUGE DES OSCARS 2020, ce n’est pas que par son look Dior que Natalie Portman a attiré tous les regards et tous les commentaires. Mais par ce qu’on pouvait y lire. Brodés en doré sur sa sobre cape noire, l’actrice-réalisatrice portait les noms de toutes les femmes oubliées de la nomination à la statuette de la meilleure mise en scène. De Greta Gerwig
(Les Filles du Dr March) à Céline Sciamma (Portrait d’une jeune
fille en feu). Car deux ans après la dénonciation des dérives d’un système patriarcal (#MeToo et #TimesUp), l’Académie des arts et sciences du cinéma tarde encore à reconnaître ses réalisatrices.
EN QUATRE-VINGT-TREIZE ANS D’EXISTENCE, seulement 5 nominées, et une seule couronnée, Kathryn Bigelow pour Démineurs, en 2010. Certes, en 2019 on comptait un record de 12 % de femmes derrière la caméra des 100 plus grands succès du box-office (10, 5 % tous films confondus) contre 4,5 % en 2018. Mais sabrer le champagne serait oublier, comme le rappelait le documentaire Et la
femme créa Hollywood, de Clara et Julia Kuperberg , qu’en 1925 la moitié des films étaient mis en scène par des réalisatrices, dont l’oubliée Lois Weber, aux plus de 300 titres. Mais aussi, comme le rappelle Véronique Le Bris, journaliste et auteure (1), « que la grande pionnière du 7e art, la Française Alice Guy-Blaché, réalisatrice de près de 2000 courts et longs-métrages, qui ont inspiré Georges Méliès et Louis Feuillade (reconnus, eux, comme les « pères » du cinéma narratif), était à la tête de son propre studio américain, la Solax Film Company, dès 1910 ! » Ces Ève puissantes qui ont construit Hollywood ont été chassées du Paradis avec l’avènement du parlant. « Elles ont disparu quand le cinéma, industrialisé, est devenu plus lucratif », déplore Véronique Le Bris, qui a fondé le Prix Alice Guy, récompensant chaque année la meilleure réalisatrice de film français.
SI, EN FRANCE, LES RÉALISATRICES parviennent à s’imposer davantage (23 % de cinéastes selon le collectif 50/50, contre 12 % aux États-Unis), à Hollywood, c’est du côté des décideuses qu’il faut aller « chercher la femme » : 45 % de productrices en 2019, et deux grands studios dirigés par des femmes. Les décideuses veulent faire rimer parité avec visibilité. L’imparable observatoire de l’actrice-activiste Geena Davis (2) a, depuis 2004, pointé les criantes inégalités de représentation dès l’enfance : dans les cartoons, un ratio d’un personnage féminin pour trois masculins ! « L’objectif est d’atteindre la parité sur les écrans. Des personnages féminins accomplissant des choses importantes. Nous voulons que le cinéma soit le reflet du vrai monde, à moitié féminin et très divers », affirme-t-elle. Reflet du monde, et de son public : 51 % des spectateurs sont des spectatrices ! Une fois ces chiffres avancés, « c’est par le financement que le système doit être et sera renversé », analyse Julia Kuperberg. C.Q.F.D. ? Universal, dirigé par Donna Langley, est le studio à avoir distribué en 2019 le plus grand nombre de films réalisés par une femme : 15. Plus que jamais, les actrices créent leurs maisons de production : pour réaliser, s’offrir des rôles, donner des opportunités de travail à d’autres femmes et voir à l’écran des histoires auxquelles elles croient. Charlize Theron a sauvé la production du film féministe Scandale, Margot Robbie financera en partie son Barbie, coécrit par Greta Gerwig. La France compte suivre cet exemple, le collectif 50/50 oeuvre pour encourager davantage de femmes à occuper des postes-clés, derrière la caméra et dans les instances décisionnaires.