Madame Figaro

FRANCE-USA

LE PARCOURS DES COMBATTANT­ES

- (1) « 100 Grands Films de réalisatri­ces », à paraître en avril, Éditions Gründ. (2) Fondatrice du Geena Davis Institute on Gender in Media.

PLUS DE DÉCIDEUSES AUX ÉTATS-UNIS, MAIS MOINS DE RÉALISATRI­CES QU’EN FRANCE. POURTANT, DANS L’INDUSTRIE DU CINÉMA, LES VOIX FÉMININES SE FONT ENTENDRE DE PLUS EN PLUS FORT. L’AUBE D’UNE RÉVOLUTION ?

SUR LE TAPIS ROUGE DES OSCARS 2020, ce n’est pas que par son look Dior que Natalie Portman a attiré tous les regards et tous les commentair­es. Mais par ce qu’on pouvait y lire. Brodés en doré sur sa sobre cape noire, l’actrice-réalisatri­ce portait les noms de toutes les femmes oubliées de la nomination à la statuette de la meilleure mise en scène. De Greta Gerwig

(Les Filles du Dr March) à Céline Sciamma (Portrait d’une jeune

fille en feu). Car deux ans après la dénonciati­on des dérives d’un système patriarcal (#MeToo et #TimesUp), l’Académie des arts et sciences du cinéma tarde encore à reconnaîtr­e ses réalisatri­ces.

EN QUATRE-VINGT-TREIZE ANS D’EXISTENCE, seulement 5 nominées, et une seule couronnée, Kathryn Bigelow pour Démineurs, en 2010. Certes, en 2019 on comptait un record de 12 % de femmes derrière la caméra des 100 plus grands succès du box-office (10, 5 % tous films confondus) contre 4,5 % en 2018. Mais sabrer le champagne serait oublier, comme le rappelait le documentai­re Et la

femme créa Hollywood, de Clara et Julia Kuperberg , qu’en 1925 la moitié des films étaient mis en scène par des réalisatri­ces, dont l’oubliée Lois Weber, aux plus de 300 titres. Mais aussi, comme le rappelle Véronique Le Bris, journalist­e et auteure (1), « que la grande pionnière du 7e art, la Française Alice Guy-Blaché, réalisatri­ce de près de 2000 courts et longs-métrages, qui ont inspiré Georges Méliès et Louis Feuillade (reconnus, eux, comme les « pères » du cinéma narratif), était à la tête de son propre studio américain, la Solax Film Company, dès 1910 ! » Ces Ève puissantes qui ont construit Hollywood ont été chassées du Paradis avec l’avènement du parlant. « Elles ont disparu quand le cinéma, industrial­isé, est devenu plus lucratif », déplore Véronique Le Bris, qui a fondé le Prix Alice Guy, récompensa­nt chaque année la meilleure réalisatri­ce de film français.

SI, EN FRANCE, LES RÉALISATRI­CES parviennen­t à s’imposer davantage (23 % de cinéastes selon le collectif 50/50, contre 12 % aux États-Unis), à Hollywood, c’est du côté des décideuses qu’il faut aller « chercher la femme » : 45 % de productric­es en 2019, et deux grands studios dirigés par des femmes. Les décideuses veulent faire rimer parité avec visibilité. L’imparable observatoi­re de l’actrice-activiste Geena Davis (2) a, depuis 2004, pointé les criantes inégalités de représenta­tion dès l’enfance : dans les cartoons, un ratio d’un personnage féminin pour trois masculins ! « L’objectif est d’atteindre la parité sur les écrans. Des personnage­s féminins accompliss­ant des choses importante­s. Nous voulons que le cinéma soit le reflet du vrai monde, à moitié féminin et très divers », affirme-t-elle. Reflet du monde, et de son public : 51 % des spectateur­s sont des spectatric­es ! Une fois ces chiffres avancés, « c’est par le financemen­t que le système doit être et sera renversé », analyse Julia Kuperberg. C.Q.F.D. ? Universal, dirigé par Donna Langley, est le studio à avoir distribué en 2019 le plus grand nombre de films réalisés par une femme : 15. Plus que jamais, les actrices créent leurs maisons de production : pour réaliser, s’offrir des rôles, donner des opportunit­és de travail à d’autres femmes et voir à l’écran des histoires auxquelles elles croient. Charlize Theron a sauvé la production du film féministe Scandale, Margot Robbie financera en partie son Barbie, coécrit par Greta Gerwig. La France compte suivre cet exemple, le collectif 50/50 oeuvre pour encourager davantage de femmes à occuper des postes-clés, derrière la caméra et dans les instances décisionna­ires.

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