Madame Figaro

Le temps de changer »

- par Jean-Sébastien Stehli.

Comme une personne tombée malade de ses excès et qui, un peu tard, les regrettant, dans une sorte de négociatio­n avec les dieux, se promet de changer radicaleme­nt, les crises ont cela de positif – quel qu’en soit le coût – qu’en une nanosecond­e elles nous ramènent à l’essentiel. Elles nous font comprendre, instantané­ment, ce qui est important et ce qui est dérisoire. Ce qui doit être au centre de nos vies et ce qui est à laisser de côté. Depuis trois semaines, il n’y a qu’à ouvrir sa fenêtre à 20 heures, où que l’on se trouve, pour entendre l’affirmatio­n d’une vérité redécouver­te. Toutes celles et ceux qui nous étaient presque invisibles – en tout cas indifféren­ts – depuis des décennies parce qu’ils ne participai­ent pas à la course aux biens matériels sont soudain les héros d’une nation tout entière, ébahie par leur dévouement. Avec le coronaviru­s, ce n’est pas seulement la gratitude, ce sentiment tombé en désuétude, que nous retrouvons – déjà un bienfait en soi –, mais la réalisatio­n que notre richesse n’est pas uniquement dans les bilans comptables et le PIB. Elle est d’abord dans la qualité des femmes et des hommes qui prennent soin de nous. « À notre naissance, nous étions connectés à notre mère, et nous avons survécu grâce aux soins que nous ont apportés nos parents. C’est ce soin qui nous a fait vivre », écrit le rabbin Michael Lerner. Et, aujourd’hui, ce sont le dévouement et l’abnégation des infirmière­s, des médecins, de tout le personnel soignant dans son ensemble, qui nous font prendre conscience de leur importance. Traiter le monde et les êtres humains comme des ressources à exploiter nous a amenés au bord du précipice où nous nous trouvons désormais. Si nous continuons à tolérer cette façon de penser, ce n’est pas parce que nous pensons que tout va bien dans la société, mais parce que nous pensons que nous sommes sans pouvoir pour changer les choses. Cette crise, qui est aussi écologique – et spirituell­e – que médicale, pourrait être une formidable occasion de modifier notre façon d’être. Et de traiter, comme ils nous traitent pendant ces semaines de crise, toutes celles et tous ceux qui prennent soin de nous. Prenons l’engagement que nous ne l’oublierons pas lorsque nous pourrons à nouveau sortir de chez nous sans peur.

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