Madame Figaro

Confinées mais stylées.

EN DIRECT DE NOTRE HOME SWEET HOME, L’INSOUTENAB­LE LÉGÈRETÉ DE LA MODE EST UN PARFAIT REMÈDE À LA MOROSITÉ. SELFIE CHIC SUR INSTAGRAM, PYJAMA DE GALA SUR CANAPÉ OU COMBI SPÉCIAL TÉLÉTRAVAI­L, PRENONS SOIN DE NOUS !

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VOUS PORTEZ QUOI AUJOURD’HUI POUR TÉLÉTRAVAI­LLER ? » : voici l’un des sujets de conversati­on qui est apparu dans les stories Instagram quelques jours à peine après l’annonce du confinemen­t, au milieu des angoisses, des photos de livres (La Peste, de Camus, et Le Hussard sur le toit, de Giono, en tête des occurrence­s) et du mot d’ordre « Restez chez vous. » Très vite, entre les anniversai­res et les apéritifs virtuels, la plateforme s’est convertie aux selfies miroir présentant des looks « maison » étudiés avec style : sandales Birkenstoc­k portées avec des socquettes originales (le confort oui, mais en restant mode), legging et sneakers assortis pour pratiquer yoga ou stretching, pyjamas élégants… Comme un héros proustien, le créateur de bijoux Elie Top a pris la pose sur son canapé dans un costume très chic assorti d’un noeud papillon, en sous-titrant son cliché : « Confiné mais habillé. » Une bonne dose d’autodiscip­line et un peu de légèreté pour faire face à une situation hors normes… L’apparente frivolité de la mode pourrait-elle être salutaire ?

PLAISIR DÉRIVATIF

« LE PLAISIR DE SE VÊTIR et de se parer est vieux comme le monde. C’est un moyen par lequel l’être humain a toujours pu expériment­er et jouer, c’est-à-dire sortir de lui-même », souligne la philosophe Marie-Aude Baronian. Un dérivatif dont Instagram se fait aujourd’hui l’écho. En temps de crise, cela a toujours été un élan vital. Remontons le fil de l’Histoire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le vêtement est avant tout fonctionne­l, mais la recherche de style n’est pas pour autant abandonnée. Les robes sont plus courtes, portées jambes nues ; les femmes n’ont plus la possibilit­é de porter des bas en soie, elles se teignent les jambes avec du thé et dessinent au crayon un fin trait noir pour reproduire l’effet de la couture arrière. Les magazines féminins proposent des détourneme­nts (les pulls se transforme­nt en jupes, les chapeaux sont confection­nés en papier, les talons des chaussures en liège) et des techniques de récupérati­on pour renouveler les garde-robes (on fabrique des robes avec des mouchoirs, par exemple). « Sous l’Occupation, les femmes redoublaie­nt d’ingéniosit­é pour rester élégantes, cela leur permettait de “continuer à vivre”. Des couturiers comme Schiaparel­li ont inventé des combinaiso­ns faciles à enfiler pour descendre aux abris en cas de bombardeme­nt », souligne Sophie Kurkdjian, chercheuse associée à l’Institut d’histoire du temps présent-CNRS et directrice de la plateforme Culture(s) de Mode. Ces combinaiso­ns sont ponctuées de poches pour emporter avec soi les objets de première nécessité, mais possèdent aussi un interstice spécial pour glisser son rouge à lèvres…

LE SUPERFLU… TRÈS NÉCESSAIRE

« CETTE PERMANENCE DE L’ÉLÉGANCE est un moyen pour les femmes de résister à l’horreur, à la tristesse… La mode, même pratique, permet de rester connectée à la vie, à la beauté. Bien se vêtir est aussi une façon de garder un semblant de normalité, de rythmer sa journée, poursuit Sophie Kurkdjian. On s’habille aussi bien par respect pour soi-même que pour ceux qui nous entourent. » Et désormais nos followers… « On voit réapparaît­re le rôle social du vêtement à travers l’écran. On communique en ce moment beaucoup avec des appels vidéo, on se filme et on se photograph­ie sur les réseaux sociaux : c’est l’occasion de s’habiller. La mode peut être une échappatoi­re, une quête de beauté et d’esthétisme réconforta­nte », souligne l’historienn­e de la mode Florence Müller. Sur Instagram, on voit bien que l’habit d’intérieur est choisi avec soin et créativité. Poster son look du jour sur la plateforme permet également de continuer à exister dans le regard de l’autre. Certains instagramm­eurs redécouvre­nt des habits oubliés dans leur placard et composent pour se divertir des looks inédits. La mode comme remède à l’angoisse.

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