Madame Figaro

SAM SMITH “Je suis un chanteur gipsy”

- PAR PAOLA GENONE

À27 ans, il est surnommé « le King de la pop et la vieille âme de la soul ». Un Oscar, un Golden Globe, quatre Brit Awards et plus de vingt-sept millions d’albums vendus dans le monde… Son succès évoque la légendaire ascension de son ami Elton John. Avec sa voix de soprano, ses tubes pop soul et ses looks excentriqu­es de diva drag-queen, le chanteur-auteur et pianiste britanniqu­e livre une série de chansons magnifique­s, préludes qui ouvrent son troisième album, dont il nous dévoile les arcanes. En exclusivit­é.

Madame Figaro. – Comment sont nées ces chansons très cinématogr­aphiques passant de la disco pop dansante de I’m Ready à la mélancolie de To Die For ?

Sam Smith. – Je suis un gipsy singer, un voyageur : j’ai composé les chansons de ce disque entre une maison au bord de la mer à Venice Beach et un studio à West Hollywood, puis à Stockholm et à Londres. Je suis heureux d’avoir fait enfin des chansons aux textes moins sombres, comme I’m Ready en duo avec la chanteuse Demi Lovato. Mais mon humeur-humour noire est toujours là : dans To Die For, je massacre le mythe des soi-disant jours fastes d’un couple, comme la Saint-Valentin que je déteste, d’autant plus qu’ayant travaillé chez Clinton Cards, la chaîne de magasins anglaise, j’ai horreur de ces cartes de voeux édulcorées… Alors, j’oppose des refrains comme « Je ne veux pas être seul » à d’autres comme « Je veux siroter une limonade rose le dimanche ». C’est plutôt kitsch et ça me ressemble.

Votre voix s’envole dans tous les registres. Qu’est-ce qui nourrit votre chant ?

J’ai un registre naturel de ténor, mais je peux chanter avec des colorature­s de soprano lyrique… Je suis autant inspiré par l’air de la Reine de la nuit, dans La Flûte enchantée, de Mozart, que par Beyoncé, Amy Winehouse et Etta James. Le but est d’arriver à une honnêteté d’interpréta­tion. J’imagine souvent Aretha Franklin me dire : « Soit tu chantes les montagnes russes que tu as dans le coeur, soit tu retournes dans ta chambre faire du coloriage. »

En regardant votre parcours dans le rétroviseu­r que voyez-vous ? Ma mère en train de conduire et moi, gamin, lui chanter des reprises de Whitney Houston. Ma fugue de l’école pour aller à un concert de Lady Gaga, racontant au proviseur que j’allais à un enterremen­t…

Mes cours de chant lyrique et de jazz au British Youth Music Theatre, à Londres. Le succès qui m’est tombé dessus à 20 ans… Et, plus tard, je revois Elton John me dire : « Tu ne reviendras jamais plus à la normalité. La célébrité fait de toi un clown, alors apprends à jongler. »

Vos looks audacieux reflètent…

Ma personnali­té : adolescent, j’habitais dans un village perdu à la campagne, et j’étais gay. À 16 ans, j’ai commencé à me maquiller et à m’habiller en leggings pour aller à l’école. Les gens m’injuriaien­t dans la rue. En arrivant à Londres, à 18 ans, ça a été encore pire. À la sortie de mon premier album, j’ai décidé de porter des costumes, comme une armure. Aujourd’hui, je m’assume comme non-binaire : ni homme, ni femme. Comment vivez-vous le confinemen­t, et quel avenir espérez-vous ? Je suis avec ma soeur, chez moi, à Londres, dans le quartier de Hampstead. J’ai des moments de créativité très intenses, et d’autres de vide total. J’ai craqué, et je commence à me sentir plus en paix. Je fais de la méditation, je regarde des films avec Judy Garland. Surtout, je compose, j’écris. Dès que ce sera possible, j’organisera­i un concert : je veux chanter en choeur avec les gens. Le chant a un pouvoir de guérison.

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Sam Smith sur la couverture de son dernier album.

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