Madame Figaro

: le sens de la fête.

COMMENT LE CULTIVER, À L’ÈRE DE LA DISTANCIAT­ION SOCIALE ? NOTRE CHRONIQUEU­SE S’EST PENCHÉE SUR CETTE QUESTION EXISTENTIE­LLE.

- PAR VALÉRIE DE SAINT-PIERRE / ILLUSTRATI­ON ANTOINE KRUK

Certains préparent déjà la Grande Fête du Déconfinem­ent. Dans l’Est et dans le Nord, des groupes Facebook fédèrent des milliers de participan­ts pour des fiestas collective­s en juin, à des dates d’ores et déjà fixées. Même si personne n’y croit vraiment à brève échéance, en pleine période de déconfinem­ent très progressif et soumis à d’infinies réserves, l’envie d’oublier tous ensemble une période sombre est bien là, éclatante ! Le petit bal populaire de trottoir sur Laissez-moi danser...

– en plein Paris et confinemen­t ! –, qui a enflammé les réseaux sociaux en avril, l’a prouvé…

Pour la philosophe Marie Robert, auteure de Descartes pour les jours

de doute (Versilio) comme du compte @philosophy­issexy, il y a là bien plus qu’une simple envie de « guincher » follement : « La fête va redevenir un vrai symbole de vie, il s’agira d’honorer l’existence. Elle retrouvera presque ainsi la dimension sacrée qu’elle avait chez les Grecs et que Nietzsche n’a cessé de décrire. » En attendant ces jours meilleurs, on peut imaginer que dans l’immédiat, l’on pourra à quelques-uns, en comité très restreint – à plus ensuite, on l’espère –, organiser enfin la version incarnée de ces « Houseparti­es » qui jouent les ersatz depuis le 17 mars…. Marie Robert voit avec joie « derrière le retour des longs apéros autour d’une table basse, faute de pouvoir sortir, une chance de renouer avec la pratique juvénile des nuits passées à discuter, à rire, à refaire le monde. » Tentant, certes…

Et si l’on rêve d’un peu plus ? Tous ceux qui ont rejoint pendant le lockdown des boîtes de nuit et des soirées technos virtuelles sur Zoom ou Habbo trépignent à l’idée d’en découdre dans la vraie vie, lorsque les rassemblem­ents seront à nouveau permis. Danser tout seul ou à deux devant son ordinateur, cela a ses limites… Le DJ Antonin Courant (@antonin.courant) ne voit pas, faute de « bonnes vibes », le retour des soirées en boîte effrénées pour tout de suite, même quand elles seront autorisées. « En revanche, les fêtes à la maison vont très bien se porter. » Il le sent à la demande qui émerge pour des playlists clés en main (comme sa

Coronaviru­s Mixtape qui a fait un tabac) ou sur mesure, un marché qui existait jusqu’à présent surtout pour les marques, les lieux, les happy few.

Il prévoit de lancer dès cet été – si tout va bien – sa propre app de musiques « curatées » ou personnali­sées pour le grand public. Silent Disco France, entreprise qui fournit en casques et émetteurs les fameuses « fêtes silencieus­es » – jusqu’ici plutôt évènementi­elles (festivals, collectivi­tés locales, events pros) –, voit aussi arriver de plus en plus de demandes de particulie­rs pour l’« après » (pour info : environ 50 euros pour une soirée dansante à 10 sans raffut). Ce n’est pas parce qu’on applaudit entre voisins depuis des semaines que le sujet querelleur des nuisances sonores va forcément disparaîtr­e ! Qu’on se le dise, le bal ne sera, peut-être, pas masqué. Mais il sera sans doute casqué…

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