CONTEMPORAIN Le monde d’après à la Galerie Kamel Mennour
Le Covid-19 est passé par là aussi. Les galeries d’art ont fermé en mars et ouvrent de nouveau avec beaucoup d’incertitudes. Kamel Mennour a décidé de faire de la réouverture de sa galerie une expérience collaborative et caritative : il a invité enfants et artistes à rêver en dessins au monde d’après. Le fruit de la vente des oeuvres ira à la Fondation AbbéPierre et à l’Hôpital Necker–Enfants malades. Interview.
Madame Figaro. – Comment est née Et pour toi, c’est quoi le monde d’après ?
Kamel Mennour. – Au début du confinement, je me disais qu’il n’y avait rien à faire de ce moment suspendu. Et puis j’ai reçu deux vidéos : celle des danseurs de l’Opéra de Paris, remarquable, et une autre de la directrice de l’école de mes enfants, qui envoyait des messages dans des boules de papier qu’on déplie. J’ai vu mon petit garçon de six ans avec les larmes aux yeux, et je me suis dit que j’étais comme lui : les gens, les artistes me manquaient. M’est venue l’idée d’une vidéo, produite avec un jeune créateur talentueux – Pierre Dupaquier, du duo We are from L.A. – dans laquelle des artistes et des enfants échangent messages et dessins dans des avions en papier, comme une sorte de boucle. Le virus et ses conséquences nous mettent tous au même niveau humainement ; nous sommes vulnérables, fragilisés : je voulais restituer cette horizontalité.
De là est venue l’idée de l’exposition ?
La vidéo est un teaser, une sorte de poésie, d’utopie, le point de départ de la reprise. J’avais des expositions déjà prêtes, mais je préfère redémarrer avec quelque chose qui remonte à l’origine, au sens philosophique, à une forme d’innocence. Le titre de l’exposition, Et pour toi, c’est quoi le monde d’après ?, est une question que nous nous posons tous. J’ai demandé à des enfants, de la maternelle à la terminale – comme les cinq miens, qui ont de six ans à dix-huit ans –, de nous envoyer des dessins sur ce thème, ainsi qu’à ceux des artistes de la galerie qui souhaitent y participer. C’est une carte blanche, ils font ce qu’ils veulent, mais dans un seul format, une feuille A4, pour la cohérence. Quelle forme va prendre l’exposition ?
Je vais mettre des dessins partout, même sur le plafond, dans tout l’espace. Tous seront mélangés sans que l’on sache qui a fait quoi. Et tous seront vendus au même prix, au profit de la Fondation AbbéPierre et de l’Hôpital Necker. Dans ce nouveau monde d’incertitude, nous avançons à vue, sans savoir ce qui va se passer. Cette exposition est une façon de se projeter dans quelque chose que l’on ignore.
Elle offre un caisson de résonance, un dazibao d’enfants et d’artistes, tout en étant une vraie exposition, dans laquelle les gens pourront venir, aimer, critiquer (ou pas), acheter (ou pas). Après cette crise, et même si Internet permet des choses formidables, nous avons besoin de ressentir la physicalité des oeuvres, de revenir à l’essence et aux sens.
Et pour toi, c’est quoi le monde d’après ?,