“Je dois m’exercer avant pour regarder la boulangère dans les yeux”
choses à dire et qui sont tous en représentation me demande un effort surhumain. Dommage, car j’aime bien les défilés de mode, c’est joli. » Le grand jeu narcissique des réseaux sociaux n’a pas plus grâce à ses yeux. « Alors là, on atteint des sommets !, s’offusque-t-elle de sa voix inimitable. Avec les réseaux sociaux, tout le monde s’y met. Connus, pas connus, c’est exceptionnel, cette surenchère de gens qui se prennent en photo, dont beaucoup de gamines qui montrent leurs fesses… Par exemple, je suis abonnée au compte Instagram de l’Écosse, et même là, on arrive à trouver une fille qui dévoile ses formes ! Certes, j’ai un compte mais je m’y affiche rarement. J’y parle d’autre chose, ce qui ne m’attire pas beaucoup de
DANS LE DERNIER FILM DONT ELLE EST L’HÉROÏNE, elle nous laisse à voir, comme souvent, toute l’étendue de son immense talent révélé par Jacques Audiard
ou Arnaud Desplechin Dans de Grégory Magne, Emmanuelle Devos est un nez dont la carrière prestigieuse dans de grandes maisons a été stoppée net par la disparition momentanée de son odorat – un phénomène physiologique reconnu par la médecine. Et qui survit, depuis, en monnayant ses services, là pour une usine, ailleurs pour une municipalité, lieux où la conduit son chauffeur, l’excellent Grégory Montel, fameux pour son rôle d’agent d’acteur dans la série Pour le film, l’actrice s’est immergée pendant trois jours chez Hermès, où la créatrice de parfums, Christine Nagel, lui a dévoilé tous les secrets du métier. « Ce qui m’a frappée, dit-elle, c’est l’incroyable diversité de talents qu’il faut développer pour être un nez : une grande culture historique et géographique du monde, un savoir-faire de chimiste, une rapidité de composition, avoir en tête des milliers de senteurs. Dans le métier, il règne une concurrence terrible. Vous pouvez avoir fait une grande école et vous retrouver à imaginer des fragrances de litières pour chats ou de vaporisateurs de voiture. »
DE SON EXTRAORDINAIRE PERSONNAGE dans le film – revêche, solitaire, pudique, cadenassé, fuyant, mais extrêmement touchant –, Emmanuelle Devos dit elle-même qu’il lui ressemble. « C’est moi puissance dix. Bien sûr, je suis plus souriante, j’ai une vie amoureuse, des enfants. Mais le fond de sauce est le même : je suis agoraphobe, j’ai du mal avec le monde… Il y a même une phrase dans le film que mon homme m’a déjà sortie un jour : quand Grégory Montel fait remarquer à Anne, mon personnage, qu’elle n’a même pas regardé la serveuse du restaurant en lui passant sa commande. Ça m’arrive tout le temps quand je vais chez les commerçants. Il y a des gens très à l’aise qui commandent un plat sans ciller : “Je veux un tartare sans frites avec un verre de rouge !” Moi, je dois m’exercer avant pour regarder la boulangère dans les yeux… » Une réserve qui date de l’enfance, cette enfance protégée, convenable et soixante-huitarde, du septième arrondissement parisien avec des parents comédiens, qui lui ont donné le goût du théâtre. Et une mère dont la flamboyante beauté s’exprimait dans les tuniques, les bottes hautes, les grands manteaux et les gros bijoux seventies. « Elle était belle mais ça ne nous a pas donné de complexes pour autant à ma soeur et à moi, car elle nous a énormément valorisées. » À la maison passaient « des hommes magnifiques », acteurs ou comédiens qu’elle regardait avec admiration, mais « jamais, dit-elle en faisant allusion au
de Vanessa Springora, et au témoignage d’Adèle Haenel, aucun ne s’est permis de me toucher, même le bout de la cheville. » « À 16 ou 17 ans, je faisais déjà des castings et ma mère me mettait en garde : “Ma chérie, me disait-elle, si un producteur t’invite à dîner, ce n’est pas pour te nourrir.” Dans le cas d’Adèle Haenel, je ne comprends pas que des parents aient pu laisser une gamine de 14 ans rendre visite tous les samedis à un homme plus âgé. Même chose pour la mère de Vanessa Springora. »
FÉMINISTE DANS L’ÂME, celle qui a signé la tribune du appelant à plus de transparence dans l’organisation des Césars s’insurge aussi de l’absence de Hafsia Herzi, auteure du très réussi à leur palmarès. « Ce film est très important, d’une liberté folle. Cette fille est l’héritière d’Alfred de Musset. » Féministe encore, ou du moins axé sur un regard féminin, son premier film qu’elle prépare depuis deux ans et s’apprête à tourner en Irlande. Un roadmovie situé en 1913 avec deux Françaises, et un scénario qu’elle a écrit, dont on a pu lire qu’il était inspiré par la disparition de sa soeur Valentine, morte d’un cancer à 33 ans. Elle élude. « Pour moi, c’est un film nécessaire, sorti comme ça, directement de mon inconscient. » Un inconscient que cette lectrice de Sylvia Plath, Carson McCullers et Raymond Carver décrit comme « étrange » depuis qu’elle s’astreint régulièrement à écrire des nouvelles. « Elles n’ont pas vocation à être publiées. Mais sans vouloir choquer ni provoquer, quand on écrit, on s’aperçoit que si on ne sonde pas le fond de son inconscient, cela n’a pas intérêt. Je me suis ainsi rappelé qu’avec ma soeur, petites, on avait fantasmé sur l’idée d’enlever la fille de la boulangère, qu’on n’aimait pas, et de l’enfermer dans la cave. J’ai envie d’écrire sur ce côté monstrueux de l’enfance. » Et nous d’applaudir à son humour subtilement poivré.
PIOCHER DANS LES EAUX AZURÉES pour concevoir la parfaite panoplie d’été, c’est le parti pris cette saison par des labels de mode bien avisés. Certains choisissent d’utiliser les richesses aquatiques pour imaginer des écoresponsables, comme les bracelets et autres créoles coquillages aux accents 90’s de la marque de bijoux très hype Wald Berlin (1 et 2), ou les claquettes de plage de Carlotha Ray (6) et les crèmes solaires made in Biarritz d’EQ (5), deux enseignes ayant élu l’algue comme composant de leurs créations. D’autres ont fait le choix de recycler les déchets marins : c’est le cas des maillots Initial S (4) ou des bikinis Icone (3), conçus à partir de plastiques collectés dans les océans (12 millions de tonnes de détritus polluent la mer).