Madame Figaro

: Nick Hornby.

IRRÉSISTIB­LE OBSERVATEU­R DE NOS VIES CONJUGALES, L’AUTEUR BRITANNIQU­E PUBLIE

- PAR MINH TRAN HUY

Les relations entre hommes et femmes : tel est le socle des romans de Nick Hornby, de à ne fait pas exception à la règle, qui recense les échanges d’un couple se retrouvant toutes les semaines au pub, dix minutes avant leur rendez-vous avec leur thérapeute conjugale… « C’est un sujet qui nous concerne tous, observe l’écrivain et scénariste. Le couple demande beaucoup, beaucoup de travail. C’est l’un des domaines qui posent le plus de problèmes et de défis dans notre existence, que l’on soit marié ou non ! » Entretien avec un auteur qui avoue volontiers son ambition de faire un matériau romanesque « de la façon dont les gens ordinaires mènent leur vie ».

MADAME FIGARO. – Avant d’être un livre, Un mariage en 10 actes a été une série télé intitulée State of the Union. Pourquoi avoir voulu raconter cette histoire sous deux formes ?

NICK HORNBY. – Eh bien, déjà, tout le monde ne pourra pas voir la série : par exemple, il n’est pas prévu de la diffuser en France, les chaînes françaises étant manifestem­ent déroutées par le principe des épisodes qui ne durent pas plus de dix minutes chacun… Or, j’adore les dialogues. J’adore en lire, j’adore en écrire, et rien ne s’opposait à ce que l’on puisse lire ce texte à la manière d’une pièce de théâtre. Tout tient aux échanges entre les deux héros, à leur jeu de pingpong. Je n’ai ajouté que ce qui était strictemen­t nécessaire.

Vous avez déclaré aimer écrire des romans qui soient ensuite adaptés au cinéma par d’autres gens, tandis que vous préfériez adapter les livres d’autres écrivains. Avez-vous changé d’avis ?

De fait, quand j’ai achevé un roman, j’évite en effet de l’adapter, parce que je n’ai pas envie de passer trois, quatre, cinq ans de plus dans la tête de personnage­s que j’ai déjà explorés en long, en large et en travers. Cela deviendrai­t vite usant et ennuyeux.

ou ont été adaptés à l’écran par d’autres scénariste­s, tandis que j’ai adapté de Lynn Barber, de Cheryl Strayed ou encore de Colm Tóibín. La configurat­ion d’Un est à cet égard inédite. Cela tient aussi au fait que j’y ai travaillé entre deux projets de plus grande ampleur – je savais n’avoir qu’un mois plein à lui consacrer, tout est allé vite, je n’ai pas eu le temps de me lasser…

Vous nous aviez dit que Rosamund Pike avait pour partie inspiré l’héroïne de Funny Girl. Avez-vous aussi écrit le rôle de Louise, l’héroïne de State of the Union, avec elle en tête ?

J’ai toujours envie d’écrire pour Rosamund Pike. Je trouve que c’est une actrice absolument fantastiqu­e.

Je la connais très bien – nous sommes voisins –, nous avions envie de travailler ensemble, et cette série nous en a offert l’occasion. Mais je ne pensais pas particuliè­rement à elle en écrivant le rôle de Louise. Écrire pour des acteurs est trop troublant – ils sont tellement plus beaux que les « vrais » gens… Mieux vaut imaginer un personnage, puis se demander ensuite qui pourrait l’incarner.

On n’entre jamais dans le cabinet de la thérapeute conjugale. Pourquoi nous montrer ce couple en train de discuter au pub juste avant et jamais en thérapie ?

D’un point de vue strictemen­t dramaturgi­que, cela aurait été l’option la moins intéressan­te, car un thérapeute pose des questions, attend que vous y réfléchiss­iez, vous réoriente… Tandis que le roman , en définitive, scénarise une thérapie de couple informelle, sans médiation.

Les héros disent exactement ce qu’ils ont en tête, ils mettent au jour une vérité que je trouve plus révélatric­e d’eux-mêmes et de leurs rapports que si un tiers intervenai­t.

Ce texte est un art du dialogue dans tous les sens du terme. Qu’est-ce qui vous plaît dans la forme dialoguée ?

J’aime qu’on n’ait pas besoin de faire très long pour qu’un personnage exprime une idée ou un trait de caractère ! La façon dont parlent les gens m’amuse aussi beaucoup, parce qu’ils peuvent passer à côté de l’essentiel, se tromper, emprunter des détours inutilemen­t compliqués. Enfin, je sais écrire des dialogues et j’aime le faire. Même quand j’écris autre chose que du dialogue, je tends à utiliser la première personne, de façon à faire entendre une voix. Le narrateur parle avant tout comme quelqu’un qui s’adresse à quelqu’un d’autre.

Prendre le même couple, au même endroit, au même moment chaque semaine et qui passe la même commande… Est-ce le goût de l’expériment­ation ou du défi qui vous a poussé à vous lancer dans pareil projet ?

Tout est parti d’une série que j’ai regardée,

qui est également composée d’épisodes très brefs. Aller aussi loin que possible dans une fenêtre de temps aussi étroite m’est apparu comme un exercice des plus stimulants. J’avais gardé, depuis des années, dans un coin de ma tête cette idée d’un couple qui converse avant de se rendre en thérapie… J’ai écrit une première scène qui semblait couler de source, puis une seconde, et je les ai montrées à un ami producteur qui m’a dit qu’il avait envie de lancer le projet.

Êtes-vous content de la série ?

J’ai l’habitude, quand j’écris une scène, d’imaginer la meilleure version possible qu’on pourrait en donner sur petit ou grand écran. Mais dans ce cas précis, le résultat a excédé mes attentes les plus optimistes. On oublie combien les acteurs peuvent être subtils dans le rendu des répliques… C’était un sacré défi pour eux de mémoriser autant de texte. D’ailleurs, ils étaient ravis d’avoir autant à dire, au début. Et puis après deux ou trois semaines, ils se sont rendu compte qu’ingurgiter 50 % du script n’était pas une petite affaire… Quant à Stephen Frears, qui a réalisé les épisodes, il a fait un travail fantastiqu­e : il a réussi à présenter le décor sous un angle chaque fois nouveau. On oublie qu’on reste dans le même pub ! Je vais m’atteler à une deuxième saison qui suivra un autre couple, à un autre moment de sa vie. Et actuelleme­nt, je travaille sur une version américaine où les héros ne se retrouvent plus dans un pub pour discuter, mais dans un coffee-shop. Tant qu’il y aura des problèmes de couples, il y aura matière à poursuivre…

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 ??  ?? ✐ de Nick Hornby, traduit par Christine Barbaste, Éditions Stock, collection « La Cosmopolit­e », 150 p., 16 €.
✐ de Nick Hornby, traduit par Christine Barbaste, Éditions Stock, collection « La Cosmopolit­e », 150 p., 16 €.

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