DOWNTON ABBEY
outrageant de Lady Di. Plus aimable et souriante, la saynète qu’elle interpréta en 2012 pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, sautant prétendument en parachute pour retrouver le James Bond du moment, Daniel Craig. L’humour anglais n’est pas un vain mot, c’est ce qui peut encore distinguer la Couronne de certaines monarchies nordiques assommées de rennes et de saumon fumé. NÉANMOINS, ces adaptations restaient bénignes. La vraie question, le trouble thermodynamique majeur, c’est le conflit entre la règle et l’écart, et pour tout dire cette lubricité particulière, où l’oisiveté et l’esprit saxon ont leur part, qui a fait des Windsor au XXe siècle, le couvercle du chaudron explosant, une famille de chauds lapins. Pour une reine exemplaire, combien de manquements à l’étiquette, d’érosions de la vertu, de camouflets à une insupportable rigueur d’alcôve. Certes, ce n’est pas d’aujourd’hui que le prince de Galles avait sa chambre au Chabanais, la renommée maison close des années 1900, mais du moins délocalisait-il ses écarts chez ces dépravés de Parisiens. Ensuite, cela n’allait pas cesser. L’affaire Wallis Simpson, dont nous reparlerons. Les galanteries de Lady Mountbatten avec le Pandit Nehru. Les discrets mais probables écarts du prince Philip, qui auront sans doute contribué à sa vigueur nonagénaire. Le divorce de la princesse Margaret, suivi d’étourderies avec des play-boys peroxydés sur des îlots caraïbes. Le divorce de la princesse Ann. Les frasques rabelaisiennes du couple AndrewSarah Ferguson. La bigamie du prince Charles et les rétorsions polyamoureuses de Lady Di. La sulfureuse affaire Epstein où Andrew réapparaît piteusement. Et cette
rumeur récente selon laquelle le sage William, héritier de la Couronne, aurait eu des faiblesses pour Rose Hanbury, marquise de Cholmondeley. On attend une dynastie ? C’est un clapier. Tels des prêtres lyonnais, les Windsor ne cessent de transgresser les règles d’acier dont ils devraient promouvoir l’exemplarité. Humains, trop humains, ça bouillonne sous les kilts, ça s’enflamme sous les capelines. C’est dans cette tribu de chaudards peccamineux qu’il faut resituer la malheureuse histoire Meghan-Harry.
AU DÉPART, on aurait pu imaginer deux faons de Walt Disney entre-léchant leurs blessures. Point commun, quelle que soit la disparité des conditions : des familles dysfonctionnelles. Harry est un bon gars roux, traumatisé à vie par la mort tragique de sa mère, objet de rumeurs selon lesquelles il ne serait pas le fils de son père, devant composer avec une belle-mère chevaline, se voyant barrer à vie les chemins du trône par l’ordre de succession. Conséquences juvéniles : le goût des bimbos au bord des piscines, les ivrogneries du une fiesta d’écervelés où il arbore une croix gammée, bref, n’importe quoi. De son côté à elle, des parents fracassés, un père cupide, un frère bizarre, des studios de sitcoms où elle cherche sa place d’actrice. Les circonstances de leur idylle ne regardent qu’eux, elles sont sans doute nées sous l’égide d’un exorcisme : la malédiction serait conjurée, on ne répéterait pas les aberrations sentimentales de leurs familles respectives.
C’EST LÀ que revient le sujet Windsor. Le jeune Harry est surplombé par l’inconduite de son père, le fatal trio avec Diana et Camilla, ce qui peut expliquer l’indulgence expiatoire de ce dernier vis-à-vis d’un fils blessé. Le choix amoureux de Harry n’est pas négociable, on va donc gober la pilule en la festonnant. Impavide, la famille royale, non sans un certain sens de l’opportunité publicitaire, ravalant ses préventions contre l’union avec une divorcée, invente un rituel matrimonial métissé, avec prêche de pasteur black, chorale gospel, thé de la Reine. En un sens, les se montrent irréprochables. La planète des idées roses se réjouit, avec ce sentimentalisme sucré autant qu’ambigu qui n’attend que les premiers écarts pour sortir sa sulfateuse à perdreaux mordorés.
ET C’EST CE QUI SE PASSE, presque mécaniquement, selon une suite de malentendus typiques de l’époque. Meghan Markle pense qu’elle a signé pour le sitcom suprême, elle découvre les carcans du protocole. Elle croi jouer dans elle tombe dans S’ensuivent divers écarts qui prouvent que cette cervelle de noisette ne sait pas où elle est tombée : plus égotiste que caritative, sujette à des crêpages de chignon avec une belle-soeur parfaite, engageant des réfections immobilières onéreuses, des nerfs en fils de verre pour une femme au bord de la crise de nerfs, une difficulté à comprendre la différence entre Rihanna et la reine Victoria, un rapport problématique avec le devoir, une cascade d’exigences selon un rêve platiné qui procède de Hollywood plus que de Sandringham. Bref, la princesse devient sorcière, la mariée de l’intemporalité dynastique s’incarne en emmerderesse contemporaine. En nouvelle mouture, et pour la seconde fois avec une Américaine, la monarchie britannique doit composer avec une sorte de Wallis Simpson d’époque Kanye West. Et comme avec Wallis, il y a suppression de prérogatives, exil doré, liste civile aux frais du prince Charles pour du temps vide à Malibu. Bis repetita. Certes, on blâme Harry, mais il honore après tout le principe de désordre qui parasite sa famille depuis quelques décennies, comme on l’a détaillé plus haut. Fidèlement, il en proroge le gâchis. Quant à Meghan, elle paie malencontreusement le prix de son origine. Il y a des fatalités, et il y a la loi du marbre. La conclusion en est amère. Même en 2020, un Windsor ne peut épouser une starlette. Même en 2020, une midinette ne peut ignorer l’étiquette.