Madame Figaro

ÉDITO/ « Un feu qui couve »,

- par Alex Lutz.

MMaintenan­t confiné, le couvre-feu me paraît déjà loin. Pourtant, le terme tourne dans mon esprit : un feu couvert. Un feu qui couve. Quelque chose qui bout de partout. Un monde qui semble « s’insupporte­r » de lui-même. Tous les uns contre les autres, alors même qu’un virus nous empêche justement d’être les uns contre les autres, les uns avec les autres. Être « lovés » ensemble devient alors un mirage. Les épreuves de l’époque en font un fantasme. Quelque chose qui n’arrivera pas de sitôt. Quelque chose qui n’est vraiment pas la priorité, l’essentiel. On a parlé de guerre. On repense alors à Churchill. À la question de couper le budget alloué aux arts pour l’effort de guerre, il répondit : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous ? » La question est bel et bien là. Inlassable­ment là. Au départ, des hommes et des femmes préhistori­ques devaient surtout survivre, je l’imagine, et pourtant ils ont peint sur les parois de ce qui les protégeait à peine de tout. Aussi, je ne sais pas où sont mes parois, mes interstice­s, mes supports, mes possibles. Mais je dois les trouver. Se protéger. Très bien, nous le ferons, nous écouterons les savants. Mais trouvons nos parois, nos interstice­s, nos supports, nos possibles, car on sait trop ce qu’il advient d’une société quand elle admet leur absence. Elle brunit, elle brûle. La culture n’est au démarrage qu’un esprit qui divague. Un esprit presque enfantin et naïf qui se dirait : « Tiens, et si je faisais ceci, cela pourrait peut-être devenir cela et permettrai­t alors ceci, cela. » C’est bien l’idée, l’imaginaire lancé comme une fusée de détresse dans les étoiles, qui fait de nous des humains, animaux bien mal adaptés par nos maigres défenses, mais différents, presque magiciens dans nos adaptabili­tés, et forts, presque exclusivem­ent, de l’addition de nos esprits qui, de siècle en siècle, se sont dit : « Tiens, si je faisais ceci… » La culture et la science, l’idée et le savoir ont le même souffle d’enfant finalement. Ne les bagarrons pas, ne les opposons pas, ne les ricanons pas : ils nous font vivre, aimer, prendre plaisir, se soucier, nous ont nourris, grandis. Et même en tombant parfois, même quand nous leur opposions notre ingratitud­e ou nos excès, ils nous ont fait croire bien au-delà de notre seul espoir de survie.

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