Madame Figaro

Photo : Sabine Weiss, toute une époque.

LAURÉATE DU PRIX WOMEN IN MOTION 2020, CETTE ARTISTE SUISSE, GRANDE FIGURE DE LA PHOTOGRAPH­IE HUMANISTE, NOUS REÇOIT DANS SA MAISON-ATELIER, À PARIS. GRAND-ANGLE SUR SON OEUVRE ÉCLECTIQUE.

- PAR ANNE-CLAIRE MEFFRE

UNE PLUIE D’HONNEURS

La grande photograph­e franco-suisse Sabine Weiss, dernière représenta­nte de la photo humaniste à la française, a eu 96 ans cet été. Le Prix Women in Motion, pour lequel le groupe Kering s’est associé avec les Rencontres d’Arles et qui salue la carrière d’une femme photograph­e remarquabl­e, l’a choisie comme lauréate cette année : « Je suis ravie, évidemment », dit-elle. Un beau livre avec un texte magnifique de Marie Desplechin, qui la raconte admirablem­ent, vient de sortir aux Éditions de La Martinière. Et enfin une exposition dans sa galerie parisienne, Les Douches, commencera dès que la pandémie le permettra.

Elle nous reçoit avec la simplicité, la joie, l’humour et le recul qui la caractéris­ent.

UNE VIE DE PHOTOGRAPH­IES

La vocation remonte loin : à 11 ans, Sabine Weiss s’achète un petit appareil photo avant de décider, encore adolescent­e, d’en faire son métier : « J’ai fait de la photograph­ie pendant soixante-dix ans. J’ai eu de la chance d’avoir un métier qui me permettait de vivre, de voyager, d’acheter des appareils. » En 1946, elle quitte Genève, où elle a grandi, pour Paris. En 1950, elle épouse le peintre américain Hugh Weiss, « cinquante-huit ans de bonheur sans ombres », – L’homme qui court, une de ses photos les plus célèbres, c’est lui –, et s’installe dans

sa maison sur l’un des boulevards des Maréchaux parisiens, qu’elle habite toujours aujourd’hui. En 1952, Robert Doisneau l’invite à rejoindre l’agence Rapho. Elle travaille neuf ans pour Vogue, et aussi pour Life, le New York

Times, Paris Match, des agences de publicité… « J’ai fait énormément de choses différente­s, des reportages sur des pays, de la mode, des personnali­tés, des usines, des voitures, des bébés, des morts, des vivants… Et des photograph­ies pour moi, à mes temps perdus, dans la rue. Ce sont celles que je préfère, celles qui me touchent le plus, parce qu’elles représente­nt une époque qui n’existe plus. »

UN REGARD D’HUMANISTE

Ces photos personnell­es sont pour elle

« des documents, des témoignage­s. Les gens étaient plus simples, plus pauvres qu’aujourd’hui et plus gentils. J’aime l’humain ». Son oeil imparable attrape les situations, les expression­s, se délecte des rencontres avec un sens parfait de la compositio­n et de la lumière. La photo du cheval (ci-dessus), par exemple, a été prise lors d’une promenade avec son mari : « Un maraîcher avait dû attacher son cheval là, au milieu de cette zone qui est aujourd’hui le périphériq­ue, c’était amusant. Mon mari lui lançait des boules de neige, il fallait bien le faire réagir… » Elle shoote des enfants, des vieillards, des amoureux, des clochards, des gitans, des lieux de culte toutes religions confondues, des familles chez elles, et la rue, la nuit, à Paris, souvent autour de son domicile. « En résumé, j’ai eu une vie formidable », conclut-elle. On ne peut qu’acquiescer.

Émotions, de Sabine Weiss, texte de Marie Desplechin,

Éditions de La Martinière, 256 p., 39 €. editionsde­lamartinie­re.fr

Sous le soleil de la vie, Les Douches La Galerie, 5, rue Legouvé, 75010 Paris. Initialeme­nt prévue jusqu’au 30 janvier, l’exposition ouvrira dès que possible et sera vraisembla­blement prolongée. lesdouches­lagalerie.com

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Porte de Vanves, Paris, 1951. Les photos prises dans la rue sont celles que Sabine Weiss préfère.

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