POURQUOI NOUS FAUT-IL, D’ABORD, DE LA DOUCEUR ?
DANS LE CLIMAT ANXIOGÈNE AMBIANT, ELLE EST POUR LA PSYCHANALYSTE MURIEL FLIS-TRÈVES *« UNE FORME DE RÉSISTANCE ».
Pourquoi un tel besoin de douceur chez beaucoup ? Dans l’époque bouleversée par le confinement, la distanciation physique, par le temps étiré sans fin, il y a une prise de conscience d’un combat à mener avec soi-même pour d’abord réussir… à passer la journée. Ces violences auxquelles nous sommes confrontés, actes terroristes d’un côté, virus de l’autre, nous renvoient effectivement à un besoin de douceur directement lié à tout ce qui nous manque, le toucher notamment. Nous vivons un moment intense de vulnérabilité, où nous avons besoin d’un retour à soi. La vertu qui reconnaît cela est la douceur, qui est aussi une façon d’appréhender le monde. Qu’est-ce que la douceur dit de nous ?
Elle nous rend accessible aux autres. Elle dit de nous la possibilité d’apaiser l’autre. Elle enveloppe, elle irradie, elle nous reconnecte avec nos émotions d’enfant. Dans notre histoire personnelle, c’est le souvenir qu’on a pu avoir de relations tendres avec ses propres parents, quelque chose que l’on a aimé éprouver et qui nous permet de nous reconnecter à nous-mêmes.
La douceur se manifeste par les mots qu’on dit aux autres, par l’écoute, le regard, l’attention. Quelle différence entre la douceur et la régression ?
La régression est centrée sur le passé, qu’on tente de retrouver. Quand on est déprimé, la régression est un refuge, une sorte de déni, d’anesthésie, de crainte de se confronter à son image. Un recours ultime pour éviter de vivre réellement. La douceur est, elle, une qualité qui est une forme de résistance face à la violence de la réalité. Qu’estce qui est bon pour soi à ce moment-là ? Cela passe par un engagement envers soi-même. Face à l’incertitude, à la menace, au temps qui semble ne pas avoir de limite, plusieurs mécanismes doivent se mettre en place, et la douceur en est un. Pour y accéder, il faut savoir entreprendre des petits rituels de vie journaliers, une routine, relooker son espace, réinventer sa journée, établir un schéma apaisé, et se dire que demain est un autre jour.