Madame Figaro

ANAÏS GEORGELIN FONDATRICE DE SOMANYWAYS * “Il n’y a plus de carrières linéaires”

Pour cette spécialist­e de la reconversi­on, “on ne construit pas d’un coup la vie de ses rêves”. Chaque étape est un pas vers soi.

- PAR MORGANE MIEL

MADAME FIGARO. – Comment distinguer un besoin profond de changer de voie d’un découragem­ent lié à la période actuelle ?

ANAÏS GEORGELIN. – Souvent, quand les gens arrivent chez nous avec l’envie de se reconverti­r, ils ne savent pas forcément ce qu’ils veulent faire, mais ce dont ils ne veulent plus. D’où une tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain, à dire : « Je n’en peux plus, je vais ouvrir une maison d’hôte à la campagne. » Nous les aidons à faire le point. À distinguer avec un peu moins d’émotion ce qui, dans leur quotidien, ne va plus du tout de ce qui leur convient encore.

Quelles questions se poser ?

Dans notre approche, nous proposons d’abord de se projeter dans dix ans, et de se demander ce que l’on aimerait avoir accompli dans la vie, au sens large. Puis, de revenir à l’ici et maintenant pour décortique­r la situation point par point. Qu’est-ce qui vous pose problème dans votre travail ? Les relations avec les autres ? Le contenu des missions ? L’environnem­ent de travail, le type d’entreprise ; est-ce loin de chez vous, y propose-t-on du télétravai­l ? Quels sont les petits plus qui vous retiennent ? Enfin, nous amenons chacun à sélectionn­er 3 à 5 critères qui leur semblent les plus importants dans la vie : est-ce d’apprendre, d’avoir du temps libre, de voyager, de transmettr­e ? Dans quelle mesure sont-ils satisfaits ? Cela permet de comprendre que, plutôt que de changer de métier, il vaudrait mieux changer de service, par exemple ; ou, au contraire, que le malaise est bien plus profond.

Quels conseils donneriez-vous pour mettre toutes les chances de son côté ?

De se confronter à la réalité du métier qui nous fait envie. Et de valider son projet dans l’action.

De rencontrer des personnes qui l’exercent. Si on le peut, de les suivre, une journée, une semaine. Si votre projet demande de se former, de reprendre des études, de se renseigner (quand a lieu la rentrée, dans quels établissem­ents ? A-t-on un droit à la formation ?). Tout en se disant qu’à tout moment, on peut invalider son projet. Changer de direction. On ne construit pas d’un coup la vie de ses rêves.

La grande peur, c’est aussi celle de perdre son salaire, quand on a une famille à charge, un emprunt…

Bien sûr. Certaines ont de l’argent de côté. Un conjoint qui leur dit : « J’assurerai financière­ment pendant ta transition. » D’autres pourront profiter d’un plan de départ. Ou encore, depuis 2019, prétendre aux indemnités chômage après une démission dans le cadre d’un projet de reconversi­on. Mais, attention, deux ans de chômage passent très vite. Si vous gérez mal l’incertitud­e, mieux vaut ne lâcher une branche que lorsque vous aurez attrapé l’autre. On peut discuter avec son employeur pour construire avec lui cette reconversi­on. Les carrières ne sont plus linéaires !

Il peut y voir son intérêt – une alternativ­e à la rupture convention­nelle, et la possibilit­é d’anticiper votre remplaceme­nt. Vous passer aux quatre cinquièmes le temps de construire votre projet ou de vous former, ce qui n’est pas possible à plein temps ou avec des enfants. Il peut aussi financer ou cofinancer cette formation.

En pleine pandémie, est-ce le moment de se former ?

Je dirais que c’est le moment où jamais d’avoir plusieurs cordes à son arc. Qui sait de quoi demain sera fait ? Je prône le mouvement plus que la passivité. La formation, c’est un premier pas. Qui me rendra plus équipée pour le monde d’après.

* SomanyWays accompagne les individus en transition et les organisati­ons en transforma­tion à construire le chemin qui leur correspond, à chaque étape de leur questionne­ment. somanyways.co

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