Madame Figaro

Décryptage : le pouvoir des mèmes.

SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX, CES IMAGES DÉTOURNÉES REVISITENT L’ACTU AVEC HUMOUR ET FONT PASSER DES MESSAGES SOUVENT PLEIN DE SENS… NOUVEAU TERRAIN DE JEU : LA VIE POLITIQUE.

- PAR SÉVERINE PIERRON

PRISÉS DES JEUNES GÉNÉRATION­S qui les partagent frénétique­ment sur les réseaux sociaux, les mèmes sont des images détournées, flanquées de slogans en forme de commentair­es ironiques ou satiriques. Ultracodés, ils sont de vraies curiosités linguistiq­ues avec leur propre grammaire visuelle. Bref, une nouvelle forme de narrativit­é créative. « Les mèmes sont les éponges à références culturelle­s du moment, analyse Tristan Mendès France, maître de conférence­s associé à l’université de Paris et spécialisé dans les cultures numériques. Ils se diffusent via des gifs, des images fixes ou des vidéos TikTok, et sont une émanation des communauté­s, une création des “foules intelligen­tes” chères au sociologue Howard Rheingold. » Si au début de l’ère Internet, les mèmes se développai­ent sur le terreau de la « culture LOL » (la sous-culture Internet et ses codes), ils se déplacent aussi désormais sur le champ politique.

ARME MÉDIATIQUE

PENDANT L’ÉLECTION AMÉRICAINE, et aujourd’hui encore avec la passation de pouvoir, chaque camp se livre une « guerre des mèmes ». Donald Trump use et abuse sur son compte officiel @POTUS d’images détournées et « mèmifiées ». En France aussi, la surenchère aux mèmes politiques fait rage, et les créateurs de contenus frisent la surchauffe dès qu’Emmanuel Macron ou Jean Castex prennent la parole à la télévision. À l’image de @yugnat999 (515 000 followers sur Instagram),« mèmeur » à l’affût d’images pour moquer, par exemple, la gestion gouverneme­ntale de la crise sanitaire : « C’est très français d’être critique avec les élus. Les mèmes avec Macron sont ceux qui ont le mieux marché sur mon profil, bien plus que les chats mignons ! »

OUTIL DE COMMUNICAT­ION

AVEC LE SUCCÈS VIENT LA STANDARDIS­ATION et la récupérati­on. Désormais, ils sont utilisés dans la pub (@vogueturfu pour Maje ou Zalando), mais aussi dans la communicat­ion plus institutio­nnelle. Tanguy, alias @yugnat999, le rappelle : « Le mème était un phénomène de niche, mais cette culture s’est globalisée, tout le monde s’en approprie les codes, même les partis et les personnali­tés. Le cas le plus flagrant, c’est Mélenchon, qui poste des mèmes sur son Facebook. » Ils ont investi la sphère politique, car c’est sur les réseaux que se fabrique désormais l’opinion. « Outre les mèmes grand public, il y a ceux qui sont plus communauta­ires, explique Tristan Mendès France. La force de certains mèmes, c’est la charge idéologiqu­e qu’on leur accole. Les mouvances proches de l’extrême droite américaine véhiculent par ce biais leur idéologie. » Outil de contestati­on virale, les mèmes peuvent aussi se faire manipulate­urs, propageant de fausses informatio­ns. Alors, qui mème me suive ?

 ??  ?? Exemples de mèmes qui circulent sur les réseaux sociaux :
Melania Trump :
“Je creuse tombe pour mari maintenant.”
Donald Trump :
“J’ai décidé qu’il était plus facile de détruire le pays que de lui rendre sa grandeur.”
Emmanuel Macron :
“Mes potes : ça va ? Moi : ”
Jean Castex : “ministre des morts-vivants.”
Joe Biden : “Ça y est, je suis président ?”
Exemples de mèmes qui circulent sur les réseaux sociaux : Melania Trump : “Je creuse tombe pour mari maintenant.” Donald Trump : “J’ai décidé qu’il était plus facile de détruire le pays que de lui rendre sa grandeur.” Emmanuel Macron : “Mes potes : ça va ? Moi : ” Jean Castex : “ministre des morts-vivants.” Joe Biden : “Ça y est, je suis président ?”

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