Madame Figaro

LA CHRONIQUE DE COLOMBE SCHNECK, LECTRICE ET ÉCRIVAINE

- PAR BERNARD BABKINE AVEC OLIVIA MAURIAC, ISABELLE POTEL, JEAN-SÉBASTIEN STEHLI ET COLOMBE SCHNECK

Encore un roman que j’ai failli rater, car en lisant rapidement la quatrième de couverture, je me suis dit : « Je connais l’histoire et je n’ai pas du tout envie d’y retourner. » J’avais découvert à travers un excellent et terrifiant film, The Magdalene Sisters, de Peter Mullan, le destin de ces jeunes femmes irlandaise­s enfermées dans des couvents parce que enceintes et non mariées, esclaves de bonnes soeurs, leurs bébés vendus à de riches familles. Si des soeurs irlandaise­s qui ont dédié leur vie aux Évangiles sont des monstres sans coeur, alors à qui peut-on faire confiance ? Il n’était pas question qu’un livre brise le reste de ma foi en l’humanité. Mais il y avait cette rumeur, ce conseil qui se répétait et que j’entendais à propos de ce roman « formidable », « excellent », « merveilleu­x ». Ces adjectifs que l’on accole aux livres qu’on aime, quand on n’a pas envie, ou la flemme, d’en dire plus. Ce qui m’a achevée et obligée de lire, c’est cet aveu quasi gênant, très tarte à la crème, d’une amie : « Un livre qui fait du bien. » C’est exactement ce dont j’avais besoin. Le héros est Bill Furlong, un marchand de bois et de charbon, marié et père de famille, une vie calme, faite de petits plaisirs en ces jours qui précèdent Noël. Sa femme, aidée de leurs cinq filles, prépare un gâteau. Lui doit livrer du charbon au grand couvent de la ville : « Un édifice respirant la puissance, une quantité de hautes fenêtres brillantes. » Il découvre une jeune femme cachée dans le local à charbon, elle lui demande si la rivière est loin. Elle veut mourir. C’est l’histoire éternelle du crime que l’on voit, des responsabl­es que l’on connaît, et de ce que l’on doit faire. Dénoncer ou non ? Agir ou non ? Protéger ou non ? Que va faire Bill Furlong ? Va-t-il s’attaquer à la forteresse ou rentrer chez lui savourer le gâteau en famille ? La réponse est dans ce conte de sorcières où la fée porte une barbe et de grandes bottes.

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 ??  ?? ✐ Ce genre de petites
choses, de Claire Keegan, Sabine Wespieser Éditeur, 120 p., 15 €. Traduit par Jacqueline Odin.
✐ Ce genre de petites choses, de Claire Keegan, Sabine Wespieser Éditeur, 120 p., 15 €. Traduit par Jacqueline Odin.

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