LA CHRONIQUE DE COLOMBE SCHNECK
ÉCRIVAINE ET LECTRICE
Marc Pautrel écrit depuis longtemps des livres courts et modestes dont on parle peu. Parfois, il est « découvert », c’est-à-dire que quelqu’un qui passe à la télévision le lit et s’aperçoit que cet excellent écrivain est inconnu et qu’il faut absolument le lire. Peut-être parce qu’il écrit avec simplicité des histoires qui ne cherchent pas à vous épater, mais la vie telle qu’elle est.
L’Éternel Printemps raconte une histoire d’amour. Et, comme pour toutes les histoires d’amour, elle ne paraît extraordinaire que pour les personnes qui la vivent. Le narrateur est un homme d’une quarantaine d’années, il écrit et il sait regarder. Elle a une dizaine d’années de plus que lui, les cheveux gris. « Elle sourit, passe ses mains dans ses cheveux, mèche longue sur le front puis mèches courtes au-dessus des oreilles. J’observe sans me lasser ses doigts miraculeux, si effilés et si longs, de petites mains avec des doigts fins comme des crayons mines. » Cela suffit, il est amoureux. Elle, on ne le saura pas, elle n’ouvrira jamais la porte de chez elle. Peut-être qu’elle a trop souffert par le passé. Ils parlent, vont au restaurant, marchent dans les rues brûlantes de Paris. C’est un été de canicule. Cela suffit à cette histoire. Il n’y a rien de plus, et pourtant par la grâce de Marc Pautrel, son pouvoir de séduction qui ne cherche jamais à séduire, une conversation sur un banc dans un jardin public alors que la nuit tarde à venir, le sifflet du gardien, un café qui ferme à son tour ses portes, cette nuit qui ne finit pas est plus sensuelle qu’un lit ouvert aux draps défaits. Marc Pautrel arrive à nous faire croire qu’entre cette femme et cet homme, il ne s’est rien passé, que son livre ne raconte rien. Pourtant, il est parcouru d’une électricité, celle que cette femme plus âgée contient, celle que l’un en face de l’autre ils créent par leur simple présence, invisible aux autres, et que seul Marc
Pautrel arrive à voir et à décrire.