Madame Figaro

PR ANTOINE PELISSOLO SE SOIGNER EN S’ENGAGEANT

PSYCHIATRE À L’HÔPITAL, IL SUIT DES JEUNES VICTIMES D’ÉCO-ANXIÉTÉ, UNE NOUVELLE FORME DE DÉPRESSION.

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MADAME FIGARO. – Vous identifiez en consultati­on des symptômes de stress prétraumat­ique. Qui est touché, de quelles façons ?

PR ANTOINE PELISSOLO. – À l’hôpital, on voit émerger cette plainte chez des personnes qui consultaie­nt déjà pour d’autres motifs, parfois une dépression, et évoquent face à la dégradatio­n de la planète un mélange de sentiments ou d’émotions complexes, avec de la tristesse, de la peur, de la colère, jusqu’à atteindre le corps lui-même. Tous les éco-anxieux ne consultent pas un psychiatre, mais nous constatons que, si toutes les génération­s sont touchées, les jeunes le sont en priorité.

Une boulimie d’infos nourrit-elle cette éco-anxiété ? Oui, il y a une accumulati­on d’informatio­ns et d’images de catastroph­es, souvent perçues via les réseaux sociaux, qui crée des chocs, une pression et une prise de conscience de notre propre finitude. Chez certains prédomine le sentiment que l’avenir est bouché, au point d’écarter tout désir d’enfant. C’est une remise en cause nouvelle et assez radicale de l’espoir que représente­nt la descendanc­e et la transmissi­on.

Quels impacts notez-vous sur la santé ?

Des études montrent que les pics de chaleur ou de pollution prolongés peuvent entraîner une dégradatio­n de la santé mentale, de l’agressivit­é. On parle aussi de « solastalgi­e », ce sentiment de perte d’une terre dans laquelle on a grandi, de ses ressources, d’un lien d’appartenan­ce. Tout cela peut provoquer une fatigue généralisé­e, profonde et pesante.

Comment aider ces éco-anxieux ?

Il faut les accueillir, les entendre, former les médecins, qui pourraient parfois être tentés de prendre cette parole à la légère. Les techniques de relaxation comme la méditation sont importante­s. La proximité avec la nature a des effets réels sur ces patients, qui vont au-delà d’un

« ça fait du bien… » : beaucoup de travaux montrent les effets bénéfiques des espaces verts et des arbres sur le psychisme, en lien avec une moindre consommati­on d’antidépres­seurs. Certains ont besoin de traitement­s médicament­eux. La plupart progressen­t en s’engageant dans des actions liées au climat avec une dimension collective qui rompt le sentiment d’impuissanc­e.

Ce sujet va aussi se déporter sur les enfants, qui ont accès aux informatio­ns anxiogènes. Il faudra les accompagne­r, trouver avec eux les liens de sécurité qui désamorcen­t cette angoisse. V. C.

Chef de service de psychiatri­e des hôpitaux Henri-Mondor et Albert-Chenevrier (AP-HP, Créteil), Antoine Pelissolo est aussi l’auteur de « Les Émotions du dérèglemen­t climatique », coécrit avec Célie Massini, paru chez Flammarion.

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