COLOMBE SCHNECK
DANS CE LIVRE DE JULIE WOLKENSTEIN, les maisons sont des personnages, capables de changer l’histoire. L’une est située au bord de la plage, à Saint-Pair, en Normandie, elle est un refuge et toujours là. L’autre est l’appartement parisien où la narratrice a vécu toute petite fille, apparemment elle n’a plus aucun lien avec lui.
Il a été quitté au divorce de ses parents. Elle le décrit ainsi : « Aux derniers étages d’un ancien hôtel particulier très vétuste, où la déco de ma mère injecte une touche contemporaine : en plus d’y réinstaller les meubles 1969 choisis quelques années plus tôt en accord avec la “modernité” de notre huitième étage, elle y fait poser une moquette imprimée de carrés beiges et gris et peindre toutes les huisseries de laques brillantes et colorées. » L’appartement est divisé en deux, l’étage des parents, l’étage des enfants situé à celui qu’on appelait autrefois « les chambres de bonnes ». En bas, chez les parents, on travaille. Le père, journaliste, écrit à la maison, on reçoit des amis. En haut, séparés par un escalier ouvert à tous, les enfants dorment dans deux chambres, leur nounou avec eux. Il ne faut pas faire de bruit pour ne pas déranger la vie en bas. Le bébé, le petit frère de la narratrice, pleurait, puis un jour, il a arrêté de pleurer, il est mort. La grande soeur avait 20 mois, elle ne se souvient de rien, mais seulement de cet escalier qui coupait le monde en deux et qui la terrifiait. Pour pallier son absence de mémoire, l’auteure utilise chaque bribe, chaque parole, chaque photo, pour construire avec une grande finesse, une grande intelligence, un livre comme une nouvelle maison où l’on peut passer de pièce en pièce, du passé au présent, sans avoir à emprunter ce terrifiant escalier, mais au contraire une voie à l’allure fluide et subtile. ●