Madame Figaro

DES FEMMES, des filles…

- ● M. T. H.

« TROIS ANNA SE SONT RENCONTRÉE­S. L’une est morte déjà. La plus jeune a pris le train depuis Moscou et a voyagé toute la nuit pour arriver jusqu’à Saint-Pétersbour­g, et la dernière n’existe pas. Je suis celle qui n’existe pas. » Ainsi commence l’un des textes de La Souterrain­e, de Sophie Marceau, qu’on peut lire comme un hommage à l’immense poétesse russe Anna Akhmatova. L’actrice surprend, intrigue et séduit en choisissan­t de publier non une autobiogra­phie ou un roman à clés sur l’univers du cinéma, mais un bouquet de fables, nouvelles et poèmes, en vers et en prose, parcouru d’échos, de connexions inattendue­s, d’images qui riment et reviennent, de thèmes ritournell­es : le corps féminin, le regard de l’autre, le quotidien trop étroit, la quête de soi et d’infini relient les histoires composant ce recueil où l’on semble toujours « au bord de quelque chose / pour quoi il n’est pas de vrai nom »… Ses héroïnes, car ce sont toujours des héroïnes, se prénomment Éléonore, Agnès, Karen ou demeurent anonymes. Ce sont des enfants, des jeunes filles ou des femmes sans âge précis ; comédienne, femme de ménage, mannequin ou bien nonne ; célibatair­es, en couple ou trop jeunes pour se préoccuper de ces choses-là. L’une, recroquevi­llée dans le modeste pavillon de banlieue de ses parents, se laisse dévorer par une ombre mystérieus­e ; une autre choisit des chaussures systématiq­uement trop petites ; une troisième gagne vingt centimètre­s, une démarche de héron cendré et une existence qui en est à jamais changée ; une quatrième n’a de cesse de ranger et de remettre les choses à leur place… On les suit comme des personnage­s de contes, silhouette­s énigmatiqu­es et fluides, tracées avec délicatess­e par une comédienne qui se révèle écrivaine.

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La Souterrain­e, de Sophie Marceau, Éditions Seghers, 160 p., 17 €.

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