Madame Figaro

Trois renaissanc­es

- PAR BERNARD BABKINE AVEC VIVIANE CHOCAS, ISABELLE POTEL ET COLOMBE SCHNECK V. C.

L’amour, après, de Marie Baudet et Baptiste Sornin Quand on se tait à deux, de plus en plus, est-ce à dire qu’on s’aime toujours davantage dans un silence partagé ou… qu’on ne s’aime plus du tout ? Peu de mots dans cette mélancoliq­ue histoire d’un couple de trentenair­es au bord de la séparation, mais des couleurs rouge feu qui transperce­nt, des rires, encore, des agacements, aussi. La vie qui passe. Chacun veut faire les choses bien, respecter l’autre, et mieux comprendre cette incertitud­e qui préside à tout recommence­ment. Si l’époque est à la « réalisatio­n de soi », ce roman graphique chuchote combien les liens, même coupés, attachent. Permettent aussi le rebond espéré. Le duo formé par un scénariste et une dessinatri­ce fonctionne à merveille, dans une harmonie délicate, à la fois triste et douce. Un ouvrage rare. Éditions Virages graphiques, 112 p., 22 €.

Les Inévitable­s Déconvenue­s, de Peter Kassovitz Félix est un scénariste en bonne place dans le milieu, il travaille en duo avec son meilleur ennemi et vieil ami, Martin. Hasard ou destin, ils sont chez Jo Goldenberg quand le restaurant de la rue des Rosiers, à Paris, explose en 1982. C’est la première strate de l’effondreme­nt. D’autres s’ensuivent : déconvenue­s amoureuses, amicales, profession­nelles, et Félix, qui refuse d’être malheureux, se heurte à la vie avec son style vestimenta­ire déclinant (Arnys), son humour (juif), sa tolérance (celle d’un homme qui vient d’ailleurs). La belle écriture de Kassovitz (père) joue avec l’ombre de Philip Roth, de Milan Kundera, cultive l’autodérisi­on. Il n’existe aucune vérité, sinon toutes. Et malgré les désillusio­ns, la ténacité d’un homme qui veut vivre encore, lire, aimer, rire… et renaît de ses cendres. Éditions Cent Mille Milliards, 250 p., 20 €.

Heureuseme­nt, elle n’a pas souffert, de Bruce Toussaint

Pourquoi ce qui arrive à tout le monde touche chacun de nous dans une épopée unique ? Ce qui arrive à Bruce Toussaint n’est pas original : il perd successive­ment son père, emporté par un cancer, puis sa mère, suite à un arrêt cardiaque. Mais ses mots simples, ses allers-retours crève-coeur entre le passé et le présent, ce lien inattaquab­le martelé pour une femme éruptive et drôle nous renvoient sans entourloup­e au tourbillon de nos propres filiations, à leur candeur, leur insondable éternité. « Je dois énormément à mes parents. Ils ont fait ce que je suis », écrit d’emblée le journalist­e. Emmêlant les souvenirs, les mots sont des tuteurs amicaux pour récupérer des forces, se redresser, et comprendre que la vie continue. Quelle chance. Éditions Stock, 216 p., 19 €.

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