Clair- obscur
UNE CLAQUE ! DERRIÈRE LE TON PRESQUE BADIN DE L’ÉCRITURE,
une gravité ne cesse de grossir jusqu’au dénouement plein d’effroi. Célestine, c’est un trait de lumière entre sa naissance dans des conditions très sombres et sa comparution aux assises pour mineurs, à 17 ans. Que s’est-il passé entre les deux ? Orpheline, elle est recueillie bébé par une tante et son mari, Berthe et Aristide, qui n’ont jamais voulu avoir d’enfant, dans un village français s’éveillant doucement aux mutations des années 1960, notamment l’arrivée de la télévision (Célestine rêve d’être speakerine), puis les effluves d’émancipation propagés par Mai 68. Le roman exprime avec concision et poésie une enfance banale des sixties en milieu rural… Oui mais voilà, Célestine est d’une grande beauté et ne passe pas inaperçue, nourrissant secrètement les fantasmes des hommes qui la croisent. Elle, elle ne voit qu’Adrien, fils (entouré de deux soeurs) d’un couple de Parisiens aisés qui viennent retaper une maison à deux pas. Se noue entre les deux adolescents, lentement mais sûrement, un amour qui se veut pour la vie, tellement épris d’absolu que Célestine et Adrien ont décidé de rester chastes pour le moment. Tapie dans l’ombre, se prépare une menace dont Célestine n’a aucune idée et qui, en quelques secondes et pour toujours, réduira son bonheur à néant.
Le roman cherche une sobriété, une évidence, pour dire le surgissement du mal, improbable et fatal. L’auteure belge – dont c’est le premier roman – est peintre, et le parcours de Célestine, loin de la psychologie, s’exprime avant tout en ombres et en lumières : elle est au coeur d’une toile où se déploient des forces opposées. Se révèle comme rarement dans ce roman hypnotique la folie humaine ordinaire.