Madame Figaro

19 L’HISTOIRE … d’Artémise Ire

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AU VE SIÈCLE AVANT J.-C., CETTE REINE DONT HÉRODOTE LOUA LES EXPLOITS FUT UNE CAPITAINE DE VAISSEAUX HORS PAIR. UNE “VRAIE” AMAZONE.

ARTÉMISE IRE, REINE DE L’ANTIQUE HALICARNAS­SE, est presque inconnue du grand public. Certes, Hollywood lui a rendu un hommage unique dans

300 : La Naissance d’un empire, le film américain du réalisateu­r israélien Noam Murro, en 2014. La sublime Eva Green lui prêtait ses traits dans ce péplum graphique aux couleurs saturées. Mais cette Artémise de cinéma, amante vénéneuse du stratège athénien Thémistocl­e, n’a pas grand-chose à voir avec la réalité. Pour la toucher du doigt, il faut revenir aux textes d’Hérodote - plus poète qu’historien -, qui relate ses hauts faits une quarantain­e d’années après la bataille de Salamine en 480 av. J.-C. entre les Grecs et leurs envahisseu­rs perses. Artémise est la fille du roi d’Halicarnas­se, Lygdamis. Sous le règne de son père, son royaume, situé en Carie (dans l’actuelle Turquie), est passé sous la domination du roi des rois, Darius Ier. Lygdamis a conservé ses fonctions en échange d’un tribut. À cette époque, en Orient, les femmes pouvaient exercer le pouvoir en l’absence de successeur­s masculins. À la mort de Lygdamis, Artémise hérite de la couronne paternelle. Lorsque Xerxès Ier, le fils de Darius, décide de coloniser la Grèce continenta­le, il intègre la souveraine à son conseil militaire. Bien que femme, il la tient en haute estime pour ses conseils avisés. La reine lui fournit des contingent­s armés et cinq navires de guerre. Après une campagne militaire perse victorieus­e jusqu’à la célèbre bataille des Thermopyle­s, où trois cents soldats spartiates d’élite se sont sacrifiés, la flotte de Xerxès décide d’attaquer les Grecs dans l’étroite baie de Salamine. Le roi des rois n’a pas conscience que le stratège Thémistocl­e lui a tendu un piège en l’attirant dans ce bras de mer situé entre une île aride et les côtes attiques.

THÉMISTOCL­E N’A QUE TROIS CENTS TRIÈRES

de guerre contre mille navires perses, mais au coeur de ce cap exigu où les grandes manoeuvres sont impossible­s, les Grecs prennent le dessus. Artémise commande elle-même sa flotte à bord de son bateau amiral. Navigatric­e expériment­ée, elle fait preuve d’audace sur le champ de bataille. La reine sait que les Grecs ont mis sa tête à prix, car ils ne supportent pas l’idée qu’une femme puisse diriger des guerriers et leur infliger des défaites. Soudain, le navire d’Artémise est pourchassé par une trière grecque qui cherche à le couler. La reine ordonne le repli, mais un bateau allié lui barre le passage. Sans état d’âme aucun, elle ordonne de l’éperonner. Les Grecs croient alors avoir poursuivi par erreur un des leurs et changent de cap. Depuis la berge où il observe la bataille, Xerxès est convaincu qu’Artémise a coulé un bateau grec…

Au coucher du soleil, les Perses constatent leur défaite et quittent la baie de Salamine. Xerxès considère cependant que seule Artémise s’est bien battue. Il lui offre une armure pour la remercier alors qu’il donne des quenouille­s à ses autres amiraux. En soulignant la valeur d’Artémise, il humilie volontaire­ment ses hommes.

Certes, Artémise est entrée dans l’Histoire par une ruse déloyale qui lui a sauvé la vie. Elle n’en a pas moins été une reine guerrière respectée. Quelle femme faut-il être pour faire trembler les fiers hoplites grecs !

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 ?? ?? Artémise 1re partant à la bataille de Salamine, de Juan Justo Huguet. Ci-dessous : Eva Green dans 300 : La Naissance d’un empire.
Artémise 1re partant à la bataille de Salamine, de Juan Justo Huguet. Ci-dessous : Eva Green dans 300 : La Naissance d’un empire.

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