MARC DUGAIN
AVEC TSUNAMI, MARC DUGAIN OFFRE UNE INCISIVE FABLE POLITIQUE :
son narrateur, que l’on suit durant trois semaines, est tout simplement le nouveau président français, élu grâce aux Gafam et désireux de faire passer une ambitieuse réforme écologique alors qu’une avalanche de crises menace de le submerger. Entretien avec un écrivain habitué à faire se rencontrer l’histoire et l’Histoire, qui a « voulu donner accès au lecteur à la crudité d’un personnage qu’il n’a pas l’occasion de fréquenter autrement que par l’image qu’il s’acharne à projeter ».
MADAME FIGARO. – POURQUOI TRAVAILLER SUR LA FIGURE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ?
MARC DUGAIN. – Je venais de terminer un autre roman que je n’ai pas publié à ce jour et je me suis dit que ce serait intéressant de creuser cette fonction présidentielle un peu obsolète, ce personnage qui cristallise l’attention, l’espoir et parfois la vindicte de 70 millions de personnes qui se déchargent d’une grande partie de leur responsabilité individuelle sur l’État et celui qui le représente. Tout cela à une époque où la démocratie est en crise par manque de sacré, de représentativité, que chacun agit en consommateur et internaute péremptoire plus qu’en responsable, et où les jeunes considèrent que le vote est un truc de vieux. L’empathie, pour moi, c’est le fait de se mettre à la place de ce président, de le faire parler à la première personne et d’essayer d’appréhender sa complexité.
POURQUOI FAIRE DE LA RÉFORME ÉCOLOGIQUE DE VOTRE HÉROS ET DE SES LIENS AVEC LES GAFAM DES POINTS SAILLANTS DE SON ÉPOPÉE ?
Je suis convaincu que le réchauffement climatique et la révolution numérique sont les deux enjeux majeurs des années à venir. La crise climatique peut conduire à notre disparition en tant qu’ espèce, au moment où le numérique nous promet l’immortalité. Nous n’allons probablement connaître ni l’un ni l’autre dans un futur proche, mais des transformations majeures du rapport à notre environnement et de notre nature profonde. Les Gafam, profondément libertariens, rêvent d’un monde où le politique est entre leurs mains, comme ils l’ont montré lors du Brexit et ils pensent que l’intelligence artificielle pourra facilement remplacer ces femmes et ces hommes qui ne voient pas plus loin que le bout de leur mandat. Le vrai pouvoir appartient à des forces économiques et le numérique va submerger toutes les autres.
VOUS AVEZ CONNU PLUSIEURS EXISTENCES AVEC LA FINANCE, L’AÉRONAUTIQUE, AVANT CELLE D’ÉCRIVAIN ET DE RÉALISATEUR…
J’ai toujours souhaité avoir des existences successives, dans des environnements différents, et j’ai réussi à le faire avec un seul objectif, qui est assurer mon indépendance. Mais j’ai été confronté très jeune à une forte pression de l’imaginaire comme soupape du réel, tout cela étant probablement lié à une succession de difficultés, pour ne pas dire de drames, que j’ai surmontés en nourrissant un monde parallèle qui, aujourd’hui, est consubstantiel à ce que je suis. Et plus ça va, plus je m’enferme dans la fiction, qui représente pour moi le meilleur vecteur pour examiner le réel. ●