CoLombe SChneCk
« ALEX RéALISAIT
UN SANS-FAUTE, à croire qu’elle s’était entraînée en vue de cet instant, et c’est peut-être le cas. Elle autorisa Simon à lui offrir un vrai verre. Quand elle riait, elle mettait la main devant sa bouche, comme si elle était particulièrement timide. Elle le vit enregistrer ce geste, de même qu’il enregistra ses deux modestes verres de vin blanc et la serviette bien étalée sur ses genoux. »
Alex a 22 ans, elle est grande, mince et ravissante, mais pas assez pour être mannequin. Elle l’est néanmoins assez pour être la petite amie de Simon, un homme riche de 50 ans qui, pour rester en forme, se nourrit de tellement de « flétan arrosé de citron » que lorsqu’elle l’embrasse, elle « sent sa bouche vibrer ». Cela se passe à Long Island, là où les milliardaires new-yorkais passent l’été dans des maisons immaculées et où chacun est en démonstration ; regardez comme je suis cool, je suis fort, je reçois bien. Des maisons où, avant d’être invité à dîner, un assistant demande si « vous avez des allergies ».
Alex joue son rôle de « petite amie » avalant tranquillisant et remontant, jusqu’au soir où elle dérape. Le lendemain Simon la quitte, car rien ne doit être vraiment humain dans leur « histoire d’amour ». Alex garde ses robes et reste dans les Hamptons pour continuer à faire croire qu’elle est cette jeune femme insouciante, mais combien de temps peut-on tenir à faire semblant ? Emma Cline a cette manière quasi obsessionnelle d’observer ce que ses personnages cherchent à cacher. Comme un Balzac ultracontemporain, elle débusque un milieu, des relations. Mais Alex n’est pas une Rastignac en maillot de bain, la lectrice sait, que malgré ses atouts, elle échouera.●