Le manga est-il le porte-voix des ados ?

L’ATTAQUE DES TITANS, MY HERO

ACADEMIA, Naruto, Demon Slayer, Hunter × Hunter, Fruits Basket, One Piece… Si ces titres ne vous disent pas grandchose, il s’agirait de vous mettre à la page… L’année dernière, il s’est vendu en France 48 millions de mangas, soit environ un livre acheté sur sept (source institut GfK). En France, deuxième marché du manga après le Japon, le business pèse 381 millions d’euros. On le sait, le genre est un phénomène chez nos ados ; ils dévorent les nouveautés qui sortent à un rythme frénétique, piochant dans les différents genres que sont le kodomo (pour les 6-11 ans), le shônen (pour les ados garçons), le shôjo (pour les ados filles) ou le seinen (pour les jeunes adultes masculins)… Psychothérapeute, auteure de nombreux livres sur le développement des adolescents, Béatrice Millêtre s’attache, dans Manga Psycho, à décoder cette culture pop pour en faire une véritable grille de lecture du mal-être adolescent – et une passerelle parents-enfants.

UNE SOURCE D’INSPIRATION

« Nos ados ne vont pas

● très bien, et c’est un euphémisme », explique l’auteure. Dépression, phobies sociales ou scolaires, addictions, troubles du comportement alimentaire, suicide, harcèlement : dans son cabinet, Béatrice Millêtre reçoit des ados en souffrance et leurs parents, bien souvent dépassés. Elle raconte : « Les mangas et leur version en série d’animation, qu’on appelle anime, ne sont à l’origine pas mon truc – même si plus jeune j’ai adoré Goldorak ! C’est en écoutant les adolescents en consultation que j’ai compris qu’il y avait là tout un univers riche de possibilités. » Dépassant ses a priori, l’auteure s’est plongée à corps perdu dans plus d’une centaine de titres de ce monde parallèle peuplé de héros et héroïnes conquérants, mais aussi blessés, profonds et attachants. Béatrice Millêtre ajoute : « Les mangas ont quelque chose de très enthousiasmant, il y en a un pour chaque étape de la vie, et sur tous les sujets ! C’est ce que raconte la multiplicité des sous-genres, comme le slice of life, qu’on pourrait traduire par tranche de vie, et qui raconte le quotidien des adolescents, leurs maux et leurs espoirs. Les personnages de manga ont quelque chose d’inspirant pour les jeunes : ils montrent la voie par un phénomène d’identification puissant. »

DÉCRYPTER LES MAUX

Manga Psycho se veut un livre de développement personnel destiné aux ados eux-mêmes – la psy s’adressant à ses jeunes lecteurs directement, en les tutoyant. Béatrice Millêtre poursuit : « J’ai voulu utiliser leurs codes pour leur donner des clés de lecture psy, et aussi donner un cadre à des problèmes de santé mentale. Les ados connaissent plein de choses, mais avec quelques gros malentendus, comme lorsqu’ils me parlent de trouble dissociatif de l’identité, ou TDI, dont ils pensent être atteints ! » Dans son livre, la psychothérapeute convoque différents personnages atteints de cette pathologie, comme Kaede, de l’anime Bunny Girl Senpai, pour en décrypter les ressorts - et surtout dédramatiser. Elle évoque aussi la maltraitance intrafamiliale avec Hunter × Hunter et son personnage Kirua, qui subit la violence de ses parents et de son frère aîné, pour mieux souligner la puissance de la parole et de la résilience. Ou encore la notion de consentement, que les jeunes maîtrisent bien mieux que leurs aînés.

UNE AIDE POUR LES PARENTS

Béatrice Millêtre le dit, « on ne grandit pas tout seul, mais avec l’époque ». Et pour que les parents ne restent pas sur le côté de la route, la professionnelle s’adresse aussi à eux, en leur permettant de mettre un pied dans un univers ultracodifié. Avec un objectif : renouer le dialogue avec son ado. « Il faut savoir écouter les passions des ados. Et les mangas sont très sains et d’une étonnante profondeur. » Alors, vous vous y mettez quand ?

« Manga Psycho. Le petit guide psychologique des mangas et des animes », de Béatrice Millêtre, Éditions Payot, 240 p., 12 €.