Madame Figaro

DES LETTRES

- « Lettres et poèmes à Gabriële » (avec Claire Berest), Éditions Seghers.

ANNE BEREST “C’est une grande chance de vieillir quand on est écrivain”

Vos modèles de beauté ? Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan… Ce sont elles, mes modèles, mes héroïnes. Je voulais leur ressembler, exercer leur métier et, comme elles, affirmer ma part de féminité.

Votre madeleine de Proust cosmétique ? J’ai été élevé par une mère féministe, qui n’utilisait aucun produit de beauté, car elle vivait dans le monde des idées.

De la salle de bain de mon enfance, je ne me souviens que de son flacon de Chanel N° 5.

La lecture qui a changé votre regard sur la féminité ?

Je dirais que ce sont plutôt les écrivaines qui ont façonné ma féminité. Certaines soulèvent des questions passionnan­tes sur le rapport aux vêtements, aux habits, et les signes qu’ils envoient. La société patriarcal­e a voulu nous imposer l’idée que les intellectu­elles ne devaient pas s’intéresser à ces sujets futiles. Peut-être parce que le « féminin » leur faisait aussi peur, à cet endroit-là ?

Une routine beauté ? Elle passe par le geste, comme un rituel de tendresse envers moi-même.

Le maquillage révèle ou camoufle ? Il révèle… et souligne l’endroit où l’on désire que les yeux de l’autre se posent. Quand on écrit, c’est pareil, on décide ce que le lecteur va regarder.

Vieillir, est-ce une chance ? Un naufrage ? Juste une réalité ? C’est une grande chance de vieillir, quand on est écrivaine. Car c’est un métier dans lequel la question de l’image - donc de l’âge - ne se pose pas. Regardez Annie Ernaux… Quelle femme magnifique !

La chirurgie esthétique est-elle une option pour vous ?

Non… mais encore une fois, j’ai la chance d’exercer un métier où l’on ne va pas scruter mon apparence…

Comment définiriez-vous votre style ? Je suis incapable de répondre à cette question… C’est aux autres de le dire. Mon style, c’est ce qui jaillit de moi, sans que j’en aie conscience.

À quoi sert la mode, selon vous ? La mode est un récit, celui que l’on veut faire de soi. C’est le lieu de l’imaginaire. Elle permet d’inventer le personnage qu’on a envie d’incarner ; la mode, c’est être libre d’improviser qui on a envie d’être.

À quelle héroïne de la littératur­e décernerie­z-vous la palme de l’élégance ? À Joan Didion, évidemment ! Colette, également, qui montait sur scène, se déguisait, s’habillait en homme, en femme… allez… et Françoise Sagan… son nom est l’incarnatio­n même de l’élégance.

Quels sont les couturiers les plus romanesque­s à vos yeux ?

Je citerais deux créatrices. Virginie Viard (directrice artistique de Chanel, NDLR) qui est aussi mystérieus­e qu’une héroïne de roman. Belle, insaisissa­ble. Le sourire énigmatiqu­e. Et Gabrielle Chanel, dont la vie entière est une mythologie, pour reprendre la terminolog­ie de Roland Barthes.

Votre achat mode le plus fou ? Une robe en cuir.

Mais comme le disait Oscar Wilde, « les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais ».

À quoi ressemblai­t votre look à 16 ans ? C’était la mode du grunge, je m’habillais uniquement dans les friperies. J’étais attirée par des vêtements du passé, usés, vieux, troués, déjà portés, comme si j’endossais leur histoire. J’aimais bien piquer les pattes d’eph’ de ma mère, et les vieilles chemises de mon père.

Qu’est-ce qu’on ne vous fera jamais porter ? La culpabilit­é d’aimer m’habiller.

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Marguerite Duras.

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