LA CHRONIQUE DE ● COLOMBE SCHNECK
VIOLAINE HUISMAN EST L’AUTEURE D’UN MAGNIFIQUE PORTRAIT de sa mère, Fugitive parce que reine, Virginie Bloch-Lainé avait le projet d’écrire sur les femmes de sa famille, une lignée forte. Toutes les deux viennent de publier un roman dont le sujet principal est leur père. Elles ont en commun d’avoir eu un père hors norme, avec nombre de défauts, excessif, séducteur, mais surtout généreux et aimant. Alors que les hommes sont décriés depuis MeToo, ne sachant plus quelle est leur place, Virginie Bloch-Lainé avoue : « Je préfère me débrouiller mal mais seule. Je suis nulle en hommes, même si je les aime. » Comme Violaine Huisman, elle a pour eux une grande compassion. Son grand-père était, comme le père de Virginie Bloch-Lainé, un grand commis de l’État, haut fonctionnaire dédié aux services publics, et pour qui l’argent n’avait pas d’importance, mais aider, s’engager, oui.
Le père de Violaine, lui, aimait l’argent pour le dépenser. Une visite avec lui, âgé et malade, dans une pâtisserie, se transforme en pillage, il achète tout. C’est ainsi qu’il s’est conduit avec les femmes de sa vie, les dévorant les unes après les autres. Le regard des auteures est aussi étonné qu’affectueux, il n’est jamais accusateur. Ce qu’elles souhaitent, c’est la vérité. Elles fouillent dans leur mémoire, dans les archives. Toutes les deux citent Proust, pour qui ce n’est pas la « mémoire volontaire » de l’intelligence qui permet cette découverte, mais notre « mémoire affective », qui resurgit par hasard. Dans ces deux beaux livres, cette vérité apparaît dans l’odeur d’un foulard, une façon de se vêtir, de marcher, et on croit reconnaître au coin d’une page, d’une rue, grâce à leurs deux filles, Denis et Jean-Michel, deux hommes du XXe siècle. ●